Cup of Tea Records, l’autre parfum de Bristol

Le son de ce label ? Basses rondes, atmosphères feutrées et beats langoureux, le tout bercé par un feeling organique qui contraste avec la froideur plus urbaine de certains de leurs contemporains.
Lorsqu’on parle de la scène de Bristol des années 90, les noms de Massive Attack, Portishead et Tricky reviennent inévitablement. Pourtant, en marge de ces figures tutélaires, une scène foisonnante d’artistes et de labels indépendants a contribué à façonner l’identité musicale de la ville. Parmi eux, Cup of Tea Records, fondé en 1995 par Pip Diaz, s’est imposé comme un laboratoire d’expérimentations où dub, jazz, hip-hop et électronique se mêlaient dans une alchimie singulière.
Dérivé d’un club du même nom, le label a été un foyer pour les esprits créatifs de la scène downtempo britannique, une sorte d’antichambre pour ceux qui ne rentraient pas dans le moule plus mainstream du trip-hop dominant. Comme son nom l’indique, Cup of Tea servait une infusion musicale complexe, où les beats ralentis et les textures organiques baignaient dans une atmosphère brumeuse typique de Bristol. Ce top 5 capture l’essence d’un label qui a su tisser une toile musicale unique, entre mélodies feutrées et grooves subtils, laissant derrière lui un héritage discret mais précieux.

Junkwaffel “The Mud Skipper EP” (1995)
C’est avec cet EP que tout commence. “The Mud Skipper EP” pose les bases du son Cup of Tea : un trip-hop instrumental finement produit, teinté de dub et d’expérimentation. La présence d’un remix de Portishead ajoute une aura mythique à cette sortie inaugurale, aujourd’hui rare et recherchée par les collectionneurs.

The Eff Word “Tbc Wetsuit” (1995)
Quatrième sortie du label, ce EP mystérieux et avant-gardiste signé The Eff Word. Entre trip-hop, jazz-funk et hip-hop expérimental, il explore des rythmiques déconstruites et des textures feutrées typiques du son bristolien. Le morceau phare, Tbc, allie percussions organiques et samples aériens, mais c’est surtout le “Crustation Slow Mix” qui retient l’attention : une version plus lente et vaporeuse, sélectionnée pour la compilation Cup of Tea Records – A Compilation (voir ci-dessous). Resté confidentiel, “Tbc Wetsuit” témoigne de l’approche plus expérimentale du label, à la marge du trip-hop mainstream.

V/A “Cup of Tea Records – A Compilation” (1996)
Premier grand manifeste du label, cette compilation réunit ses signatures phares et en dévoile toute la richesse. De Statik Sound System à Purple Penguin, en passant par des productions plus confidentielles, on y trouve un condensé du son de Bristol à la marge du trip-hop mainstream. Une porte d’entrée idéale pour découvrir l’univers du label.

Statik Sound System “Tempesta” (1997)
Avec ses beats vaporeux et ses basses profondes, “Tempesta” est l’un des albums phares du label. Statik Sound System distille un mélange hypnotique de dub, de trip-hop et de jazz, flirtant parfois avec la drum & bass sans jamais céder à l’excès rythmique. Un disque qui capture l’essence même du son Cup of Tea : organique, introspectif et riche en textures sonores.

Purple Penguin “De-Tuned” (1997)
Si Bristol avait une bande-son alternative aux grandes heures de Massive Attack, “De-Tuned” en serait un excellent candidat. Purple Penguin développe ici une musique où le dub et le jazz s’entrelacent dans un trip-hop minimaliste et élégant. L’album baigne dans une atmosphère nocturne et contemplative, où les mélodies s’étirent avec une nonchalance enivrante.
Malgré un catalogue éclectique et des productions de haute volée, Cup of Tea Records ferme ses portes en 1999. Peut-être trop confidentiel face aux mastodontes du genre, peut-être victime de la fin d’une ère où le trip-hop cédait peu à peu la place au big beat et à l’électronica plus avant-gardiste, le label n’a pas survécu aux mutations du marché. Mais son héritage demeure : de nombreux crate diggers continuent d’exhumer ses pépites, et le son Cup of Tea conserve une saveur inimitable, quelque part entre l’ombre et la lumière de Bristol.
Cup of Tea Records n’a peut-être pas eu la postérité d’un Mo’ Wax ou d’un Ninja Tune, mais il reste un fragment précieux de l’underground bristolien des années 90. Un label pour les amateurs de grooves subtils, de textures organiques et de beats qui, encore aujourd’hui, infusent lentement dans les oreilles averties.