William Marx “Un été avec don Quichotte”
Juillet et août, d’ordinaire, on les passe en bonne compagnie. “Un été avec…” Montaigne, Baudelaire, Machiavel… À chaque fois, un grand esprit à glisser dans la valise, histoire d’emporter un peu de profondeur sous le soleil. Mais cette année, changement de programme : pas d’écrivain, pas de philosophe, mais un personnage. Un mythe en mouvement, qui trotte toujours au-delà des pages : Don Quichotte.
Il fallait bien un professeur du Collège de France, et un professeur passionné, pour relever le défi de nous faire passer l’été avec un chevalier errant. William Marx s’y attelle avec une érudition fluide et un plaisir contagieux. Il ne s’agit pas ici de disséquer Cervantès – d’autres s’en sont chargés avant lui – mais de montrer combien Quichotte est d’aujourd’hui, combien il continue de penser pour nous, avec nous. Car derrière l’armure rouillée et les aventures burlesques, il y a un homme qui se bat contre le monde tel qu’il est, qui refuse le cynisme, qui cherche à croire encore.
Et puis, surprise : le vieux fou barbu aurait des préoccupations furieusement actuelles. On le savait idéaliste, mais William Marx le redécouvre sous un autre jour : Quichotte féministe, Quichotte visionnaire. Son combat pour Dulcinée, bien plus que la quête d’un amour imaginaire, devient une manière d’interroger la place des femmes et leur regard sur elles-mêmes. Et si derrière ses illusions, il y avait une clairvoyance plus grande que celle des “sages” qui l’entourent ?
L’exercice aurait pu tourner à la simple variation universitaire, mais il se révèle vivant et stimulant, porté par un professeur qui ne parle pas d’un pupitre d’amphi mais qui marche avec son héros, l’accompagne, le questionne. Un livre qui ne donne pas tant envie de partir en Espagne que de reprendre Don Quichotte à bras-le-corps, et de le lire, non comme un monument, mais comme un compagnon sur ce chemin un peu bizarre qui s’appelle la Vie.
★★★★☆
William Marx “Un été avec don Quichotte“, Éditions Equateurs / France Inter, Paris, 2024, 176 pages.
