Palace “Viva Last Blues”

“Viva Last Blues” est un disque épuisé, exténué, un disque de solitude radicale. Ceux qui l’écoutent et l’aiment savent pourquoi. Les autres… quels autres ?
Il y a des disques qui n’ont pas besoin d’être vendus et “Viva Last Blues” fait partie de ceux-là. Ceux qui ont un jour été touchés par la voix tremblante de Will Oldham savent déjà qu’ils plongeront dedans sans attendre une chronique. Et ceux qui ne jurent que par le mainstream, et pensent que ces disques sont trop austères, trop nus, trop ancrés dans une Amérique plouc, ne changeront pas d’avis aujourd’hui. Et ce n’est pas grave.
Car on n’a pas affaire ici à un album qui cherche à plaire. C’est une liturgie souterraine, un rituel dissimulé sous des guitares folk en apparence paisibles. En apparence seulement. Car dès que “More Brother Rides” démarre, quelque chose cloche. Une tension invisible, un malaise diffus. Oldham chante “Where are the days I used to be friendly”, et tout est dit.
Steve Albini est là, mais son influence est subtile. “Viva Last Blues” n’est pas un album de déconstruction sonore, encore moins un manifeste lo-fi. Albini n’a rien à déconstruire ici, car tout tient déjà en équilibre précaire. Ce qu’il apporte, c’est une légère distorsion, une rugosité discrète qui fait dérailler l’harmonie à peine esquissée de “Viva Ultra”. L’effet est fascinant.
Puis il y a “The Brute Choir”. Un chant hypnotique, une transe païenne noyée dans des chœurs fervents. C’est la magie noire d’Oldham : on croit écouter un disque de folk, et on se retrouve dans un gospel malade, un murmure hanté par des incantations sans âge. Oldham ne se contente pas de raconter pas des histoires, il les ressasse, il les rumine, comme on tourne une pierre entre ses doigts jusqu’à ce qu’elle devienne poussière.
Palace “Viva Last Blues”, 1 CD (Palace Records / Drag City), 1995
More Brother Rides / Viva Ultra / The Brute Choir / The Mountain Low / Tonight’s Decision (And Hereafter) / Work Hard/Play Hard / New Partner / Cat’s Blues / We All, Us Three, Will Ride / Old Jerusalem