Rouge Rouge “Ce soir, après dîner”

Si l’on a pu apprécier les oeuvres musicales de Jean Croc et Nicolas Errera sur la durée d’un single, “L’amour”, qui samplait Mouloudji, le passage des deux lascars au long format n’est pas convaincant : trop de références, trop kitsch. Un exemple ? On ne sait que penser d’un titre “L’amour avec toi”, qui ressemble à du R’n’B remixé par le Rondo Veneziano… avec des paroles qui reprennent le thème cher à Polnareff.
Michel Polnareff chantait “J’aimerais simplement faire l’amour avec toi”, dans les années soixante, et à l’époque c’était un scandale (la chanson fut interdite de diffusion sur moult antennes de radio). Aujourd’hui, chanter comme le fait Rouge Rouge “je voudrais faire l’amour avec toi” ne fait plus ni chaud ni froid, alors prière d’être inédit sur la musique. Mais Rouge Rouge ne donne pas dans l’inédit : on est dans le disque de rats de discothèques.
Des disques de rats de discothèques, on a en connait. Certains, comme The Avalanches, parviennent même à être très originaux en samplant de tout (Madonna ou The Osmonds). Mais Rouge Rouge s’englue dans sa collection de vinyls. A l’écoute de cet album, on pense à “Rectangle” de Jacno (indémodable), à des chansons nazes qui ont été des tubes, bref à de la vieillerie dépoussiérée à l’aide de quelques rythmes syncopés bien dans l’air du temps.
Cela évoque la chanson “Paris, Paris” de Malcolm Mc Laren, interprétée par Catherine Deneuve. C’est à dire l’oeuvre d’un esthète qui ne sait plus comment occuper ses journées et met ses marottes sur un disque. De la part de Croc et Errera, qui travaillent, c’est un peu surprenant : Errera vient encore signer quelques B.O. de films et Jean Croc doit encore avoir quelques piges à Nova et quelques engagements comme DJ.
Reste un album dans lequel tout DJ qui veut rester top branchouille pourra à loisir piocher un titre ou deux à insérer dans son set. Car les titres, pris à part et insérés dans une programmation judicieuses, doivent se défendre. D’ailleurs, c’est l’intérêt des titres multi-référencés : que vous mixiez des tubes yéyés ou de l’électro 80’s, un titre de Rouge Rouge entre deux disque “vintage”, et le tour est joué : c’est un bon liant. Reste un constat amer : au bout de vingt minutes, pour l’auditeur dans son salon, l’écoute de “Ce soir après dîner” rime avec punition. Si vous n’êtes pas DJ en manque de tubes faciles pour votre prochaine play-list, fuyez.
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Rouge Rouge “Ce soir, après dîner”
(Enka/Wagram), 2003
Rouge rouge intro / L’amour / Decide toi / La vie japonaise / Tricoter / L’amour avec toi / Attention / Pop art / Gentil gentil / Cache cache / La malle
jeudi 30 janvier 2003