Kraftwerk “Tour de France Soundtracks”

Plutôt rare sur scène et sur disque, le quatuor de Düsseldorf (qui n’a plus les mêmes membres qu’à ses débuts) revient. Hormis une compilation de leurs morceaux retravaillés, “The mix” en 1991, et “Expo 2000”, pas de nouvelles d’eux depuis “Electric Café” en 1986. On aurait pu s’attendre à une idée nouvelle de la part d’un groupe qui en a tant, mais Kraftwerk préfère rescuciter “Tour de France”, son titre mythique de 1983.
Vingt ans après, Kraftwerk s’offre un album tout entier pour dire son amour de la Grande Boucle (qui, ça tombe bien, a fêté son centenaire cet été). Car pour Kraftwerk, la bicyclette est “presque un instrument de musique”. Il y a vingt ans, Kraftwerk, étaient, avec leurs sonorités électroniques, des précurseurs. Ils ont été fêtés par moult reprises (de Balanescu Quartet à Señor Coconut), et leur retour s’effectue dans un climat différent. Autrefois, ils étaient forcément novateurs dans leur musique, mais aujourd’hui, l’électronique est partout, et des centaines de disques sortent chaque mois dans ce genre. Kraftwerk n’a donc pas cherché à jouer la surenchère, mais rescucite le son qui a fait son succès : rythme pas trop en avant, infrabasses, mélodies entêtantes.
L’hypnose façon Kraftwerk fonctionne toujours. Le titre “Tour de France” de 1983 (qui fut à l’époque chanson officielle de l’événement) clôt l’album. Bruits de chaines, de pédales, vitesse et respiration du cycliste : à l’époque, Kraftwerk disait avoir cherché à incorporer tous ses paramètres dans sa musique. Et la musique qui en découlait restituait parfaitement l’ambiance du cyclisme : un titre à écouter en boucle jusqu’à ce qu’il s’inscrive une bonne fois pour toute dans votre cerveau, comme on peut pédaler jusqu’à la transe. En 1983, “Tour de France” mettait un petit vélo dans votre tête. En 2003, c’est tout un peloton que Kraftwerk fait rouler sur disque. Au travers des paroles (en fraçais, anglais ou allemaand), dites par une voix ultra-robotisée, les divers aspects du cyclisme sont évoqués : les cols de montagne, la flamme rouge, l’aéro-dynamique, les cadres de vélo en titanium, et même les vitamines, la régénération ou l’électro-cardiogramme.
Tant qu’à évoquer les aspects médicaux, Ralf Hutter et Florian Schneider auraient pu nous gratifier d’un morceau sur le doping. Mais il est à parier que le petit autocollant au logo du Tour ne figurerait pas sur le boîtier de ce disque. Le plan des étapes de l’édition du centenaire, qui s’étale sous le rond central servant à fixer le disque non plus. Un peu de subversion n’eut pas été mal venu du point de vue de l’auditeur… mais utiliser le nom Tour de France (marque déposée par Amaury Sport Organisation) est à ce prix.
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Kraftwerk “Tour de France Soundtracks”, 1 CD (EMI), 2003
lundi 22 décembre 2003