Thomas Winter et Bogue "Thomas Winter et Bogue"

La vie d’un critique musical est fait de piles dont on s’évertue à faire descendre le niveau mais qui toujours se reconstituent. Ainsi, des albums mettent des mois à être chroniqués. C’est le cas du premier album de Thomas Winter (le frère de Pedro, manager des Daft Punk) et Bogue, qui, entre temps, a trouvé quelques thuriféraires dans la presse.
Seulement, il faut bien l’avouer : cet album, je l’avais déjà écouté, puis replacé dans la pile aussi sec. Je n’avais pas jugé qu’il méritait qu’on en parle (maintenant, j’essaie de n’écrire que sur ce qui me touche). Nouvelle écoute, avec cette fois un objectif : pondre quelque chose.
Pour un album de chanson, ce disque bénéficie d’une production (entre rock et électro) rarement rencontrée ces derniers temps. Là où ça cloche, ce sont les textes : difficile de savoir s’ils sont mauvais (“allez viens petite / mets-lui la langue / ne sois pas farouche / ouvre grand la bouche”) ou si c’est un nouveau style surréaliste, c’est à dire écrits sous l’emprise de substances illicites, ce qui leur confère un niveau CM2 assez net. Comme le chantait Notre dame sur la compilation “I hear voices” (à laquelle a participé Thomas Winter) : “pardonnez-moi si je vous mets mal à l’aise mais vos paroles me semblent un peu niaises”.
Et puis il y a quelques ratés : “Batifole”, qui eut l’honneur de passer un peu à la radio, est un peu énervant et “J’me sens vidé” fais penser à “J’veux pas rentrer chez moi seule”, la scie d’Agathe dans les années 80) et la voix de Thomas Winter, un peu crâneuse (“Tatoo” commence par un “glisse dans ma chaaaai-aire” dont on se demande s’il s’agit d’une blague), pas vraiment impliquée.
D’ailleurs, il n’est qu’à voir les deux jeunes hommes, leur look, pour se demander si leur envie de chanson est sincère ou si la langue de Molière et le format grand publc ne sont pas des pis allers pour atteindre très vite un large public. Quoiqu’il en soit, quelques jolies ballades (“Quitte-moi”, “Mes peines”) et des chansons réussies (“J’ai rendez-vous”, “Rêveries”).
La dernière chanson, sorte de chanson contemplative sur l’automne sur fond d’orgues, que même Arthur H n’aurait pas osé écrire par autodérision, achève d’épaissir le brouillard dans lequel l’écoute de cet album nous a plongés. Au fond, Winter et Bogue sont sûrement deux potaches qui nous ont fait une bonne blague. Le fait qu’une partie de la presse y ait cru est somme toute assez marrante. Rien que pour ça, merci les gars.
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Thomas Winter et Bogue “Thomas Winter et Bogue” (Source/Virgin)
première pubication : mercredi 31 décembre 2003