Frank Black “Frank Black Francis”

Avec son air bonhomme, Charles Thompson est un mec bien. A plus d’un titre. Quand, en 1987, son père lui prête de l’argent pour enregistrer ses chansons à Boston, il ne se comporte pas en étudiant (ce qu’il est) et musicien-charlot qui range les bandes dans un tiroir après s’être fait plaisir. Au contraire, il fait de ses chansons des tubes planétaires, avec son groupe The Pixies, dont il tient la guitare et le micro sous le nom de Black Francis. Il engrange des sous et peut ainsi rembourser son bienfaiteur de géniteur… au centuple.
C’est aussi un mec bien quand, des années plus tard, devenu Frank Black, il cède aux sirènes pressantes qui lui demandent de ressortir les bandes inédites dudit premier enregistrement. Il est conscient que ces squelettes de chansons guitare-voix, même si elles contiennent des titres comme “Caribou”, “Nimrod’s son” ou “Vamos”, qui ont un peu de souffle (au sens propre et figuré) et trahissent beaucoup de sa toute fraîche expérience d’alors, sont un peu frustes. Afin de faire un peu oublier le caractère un peu anecdotique de la chose (hormis pour les exégètes du groupe), il y ajoute un deuxième disque.
Même s’il sait que ceux qu’il appelle les “uberfans” des Lutins se contenteraient pleinement d’un seul disque de démos, il choisit d’enregistrer avec Andy Diagram et Keith Moliné, collaborateurs de l’ex-Pere Ubu David Thomas, une bordée de chansons des Pixies. Il est amusant de constater qu’armé d’une guitare acoustique, il y revient à la simplicité des débuts. Diagram s’occupe de l’électronique, joue de la trompette, tandis que Moliné, lui aussi en charge de l’électronique, assure guitare et violons. Les ambiances à la Bowie période “Low” ou Mercury Rev nous permettent de redécouvrir ces chansons dans de nouveaux habits, dans une nouvelle dimension, sous un nouvel éclairage. Moins noyés dans un déluge d’énergie, dont on a pourtant goûté les délices en live cet été, ces titres usent d’une séduction plus mystérieuse, moins directe. Ce n’est pas la peine de proposer à une brochette de remixeurs de digérer le meilleur des Pixies. Frank Black le fait lui-même. Et sur “Planet of Sound” sa voix ressemble fort à celle de Lou Reed. Et après tout, The Velvet Underground et The Pixies sont deux légendes, même si les Américains de la rue sont bien fichus de ne pas connaître les noms de ces groupes.
L’événement de ce disque, c’est le fait de pouvoir aujourd’hui écouter des chansons des Pixies par leur créateur, mais avec un nouveau groupe. Ce n’est ni du Pixies, ni du Frank Black and The Catholics, c’est de l’inédit. Voilà pourquoi on peut aller dépenser ses sous chez son disquaire. Le disque des démos est un bonus. Ce double disque s’avère être un aperçu du traitement avant (pas d’arrangements) et après-Pixies (beaucoup d’orchestrations) d’un même répertoire. Un répertoire riche de pépites rock. Troisième raison pour laquelle Charles Thompson est un mec bien.
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Frank Black “Frank Black Francis”, 1 CD (Cooking Vinyl/Wagram), 2004
Black Francis Demo : The holiday song / I’m amazed / Rock a my soul / Isla de Encanta / Caribou / Broken face / Build high / Nimrod’s son / Ed is dead / Subbacultcha / Boom chickaboom / I’ve been tired / Break my body / Oh my golly / Vamos
Frank Black Francis : Caribou / Where is my mind ? / Cactus / Nimrod’son / Levitate me / Wave of mutilation / Monkey gone to heaven / Velouria / The holiday song / Into the white / is she weird ? / Subbacultcha / Planet of sound
dimanche 28 novembre 2004