La Rumeur “Regain de tension”

On ne peut jamais savoir quelle sera l’action du vent sur un feu : si le feu est petit, le vent l’éteint ; s’il est grand, le vent l’atise. La Rumeur est “un feu qui se déclare dans un chant de coton”. La phrase, qu’on avait entendue sur le premier album brûlot du groupe, “L’ombre sur la mesure” (voir notre article), est même redite ici.
Le vent du boulet judiciaire que les canons du ministère de l’Intérieur (époque fin des libertés individuelles-début Sarko) ont fait souffler sur le groupe rap n’a pas éteint sa haine du racisme ambiant, ni sa colère. Ni son envie de mettre les points sur les i, quitte à fâcher quelques puissants. Au contraire. Ici, le regain de tension est franchement palpable, tant dans la musique, encore moins jazzy qu’avant, mais sombre jusqu’au cramé, opressante, que dans les lyrics, toujours aussi tranchants et truffés de références ballistiques et guerrières. En ces temps tièdes, La Rumeur, qui ne passe pas sur Skyrock (et n’y passera jamais quand on entend ce que le groupe décoche comme flèches à la station de la rue Greneta sur le bonus track “Nous sommes les premiers sur…”), est un groupe du genre chaud bouillant. Sans grand soutien médiatique (tant mieux en un sens : on préfère ne pas les voir dans “On a tout essayé face au politologue Steevy Boulay), la Rumeur ose ce que peu de ses confrères en voie de boboïsation oseraient : entrechoquer des mots comme “émeute légitime”, s’en prend à la justice nulle part (“Inscrivez greffier”), à la police partout… aux libertés où ça ? Quoi ? Quelle liberté ? Celle de la fermer, ouais.
“La liberté consiste à faire tout ce que permet la longueur de la chaîne” a dit François Cavanna, qui s’y connait en la matière. Trainé devant la justice (voir notre article), le groupe La Rumeur vient de mesurer la longueur de la chaîne. Mais refuse de se taire. Tant mieux. Et tant pis pour ceux qui ont toujours cherché à faire taire les esprits trop libres. Perdu, encore une fois.
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La Rumeur “Regain de tension”
1 CD (La Rumeur Records/EMI), 2004
L’encre va encore couler / A nous le bruit / Ils nous aiment comme le feu / Soldat lambda / P.O.R.C. (Pourquoi On Resterait Calme) / Inscrivez greffier / Nom, prénom, identité / Paris nous nourrit, Paris nous affame / Les mots qui me viennent / Quand le diable est au piano / Maître mot, mots du maître / Nous sommes les premiers sur… (Bonus Track)
jeudi 9 décembre 2004