Kasabian “Kasabian”

Le rock de Kasabian, né en 1999 à Leicester, fusionne les guitares rugissantes du Madchester avec des emprunts habiles à tout un pan de l’histoire musicale. Stones Roses, Chemical Brothers ou encore Radiohead transparaissent sans jamais effacer leur propre signature. Collage sonore et énergie brute : Kasabian est une réponse explosive, aussi imprévisible qu’efficace.
Le début des années 90 ont vu le mouvement Madchester débouler en force et en furie en Angleterre. Après la brit pop et ses relents mods et la vague du rock basique, retour au baggy, avec Kasabian, groupe formé en 1999 à Leicester. On qualifiera donc leur musique de Madcester… voire de Badcester, tant les guitares y rugissent. Ce groupe arrive avec des références plein ses bagages : cela déborde tellement que Kasabian ne passerait facilement la frontière sans ouvrir sa valise aux officiers. Notez, il y a de quoi taper dans l’oeil du douanier quand on a la dégaine d’un croisement improbable des Stones Roses avec Black Rebel Motorcycle Club qui essaierait de se la jouer grandiloquent comme Kula Shaker ou groovy comme Chemical Brothers (“Club foot” est un peu le “Block rockin’ beats” de Kasabian). Ce groupe est un caméléon. Tenez, prenez la pochette : vous voyez une sorte d’indien avec deux traits de peinture sur l’oeil droit et un foulard au bas du visage. Tournez la pochette, et vous verrez la montagne de laquelle vont surgir le restant de la tribu.
Néanmoins, ces drôles dindiens étonnent par leur surprenante capacité à emprunter savamment à tous le monde et à ne ressembler à personne en particulier. Leur “Butcher blues”, par exemple, évoque “Anyone can play guitar” de Radiohead revisité par des clubbers un peu sonnés par les acides de la veille. A l’heure du Net et de l’hypertexte, la pensée devient réticulaire. Pas étonnant non plus qu’en musique, certains arrivent avec une tonne de connaissances : il suffit de cliquer sur les logiciels de peer-to-peer pour accéder instantanément à la mémoire mondiale de ces dernières décennies en matière de production phonographique. Pourtant, cette bande de rockers-là, à qui on ne fera pas un procès pour piraterie ou contrefaçon, a un petit quelque chose en plus. Ce ne sont pas des copieurs, juste des gens qui empruntent à droite à gauche, et synthétise leurs rapines dans leurs compositions. Après tout, en art plastique, le collage peut également s’apparenter au vol. Le plastique, Kasabian sait le manier, et ses petites bombes artisanales explosent comme il faut. The Killers sont la réponse US à Franz Ferdinand ? Eh bien la réponse britannique, la voici incontestablement.
****
Kasabian “Kasabian” (RCA/BMG)
Club foot / Processed beats / Reason is treason / I.D. / L.S.F. / Running battle / Test transmission / Cutt off / Butcher blues / U boat
vendredi 21 janvier 2005