Bertrand Belin "Bertrand Belin"

Bertrand Belin "Bertrand Belin"

Il est Breton, fait sa demande en mariage à la ville de Porto, et pratique un blues “à la française” comme on en croise trop peu : l’album de Bertrand Belin est un petit bonheur de quiétude triste.

Parce que trop souvent le blues d’ici rêve de santiags, de Route 66, d’Ohio qui rime avec maillot ou de Massachussets qui rime avec chaussettes, Bertrand Belin a tout juste. Car les “petits Français” qui veulent cirer les pompes à l’oncle Sam, cela sonne souvent incongru : comme si Will Oldham cherchait à se faire naturaliser Suédois ou Mark Kozelec Italien. Belin, lui, Gauloise au bec, ne s’invente pas des romances de drive-in en Arizona ou de motels dans le Colorado. Il parle du vin (on fait difficilement plus Français), chante à sa tante Madeleine (une chance qu’elle ne lise pas Proust), et pratique une sorte blues de Vesoul ou de Romorantin qui rêvent de Barcelone, un blues où suinte comme une brise marine la douce tristesse du Tréport, un blues qui habite tout près de chez nous. Et qui, partant, nous semble terriblement proche de nos petites vies pas rêvées du tout.

Un blues qui ne se cache pas derrière le prétexte facile de la barrière de la langue, mais assume la fragilité de ses mots, lovés dans des écrins de guitares lentes et de cordes mélancoliques. On a donc pas le coeur à faire des blagues sur le nom de famille de Belin, parce que l’apéritif est un exercice qui fait injonction de gaîté. Or Belin, s’il n’impose pas la joie éthylique, propose juste une tristesse qui nous tourne la tête.

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Bertrand Belin “Bertrand Belin”, 1 CD (Sterne/Sony Music), 2005

dimanche 27 février 2005

Jean-Marc Grosdemouge