Franck Avitabile “Just play”

Juste jouer : poser ses mains sur les touches du clavier, les laisser courir en liberté et faire naître de douces mélodies. Jouer juste : chercher l’accord, l’harmonie, créer une ambiance paisible. Juste jouer : s’amuser, se faire plaisir en reprenant “My romance”, “Smile” ou “Nature boy”, créer un monde pour de faux, et pour la première fois, en solo. Se lancer en solo, pour un instrumentiste, c’est comme franchir le Tourmalet pour un cycliste du tour de France. Certains cols sont des juges de paix. Pareillement, se livrer sur disque avec un instrument, une tête pleine de mélodies et dix doigts, ça passe ou ça casse. Ça passe formidablement bien dans le cas de ce Français de trente trois ans. A l’écoute de “Just play”, si l’on songe parfois à Ryuichi Sakamoto pour l’art du minimalisme, on se remémore souvent “Elegiac cycles”, premier album solo aux teintes automnales de Brad Mehldau (“Memories”, saisissant de beauté triste). Sauf qu’Avitabile n’emprunte pas ses influences stylistiques au classique, mais plutôt au swing. En cela, il se rapproche d’un Jarrett, qui rend le swing pianistique intemporel. J’ai une théorie selon laquelle Monk avait pressenti le breakbeat des décennies avant la naissance du genre. Sûr qu’Avitabile connaît le breakbeat (il suffit d’écouter la radio) et cela s’entend. Quant à le comparer avec Thelonious, ça serait mérité, mais un poil intimidant. Disons qu’en France, à part Baptiste Trotignon, rares sont les pianistes qui savent aussi bien émouvoir nos oreilles et notre coeur.
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Franck Avitabile “Just play” (Dreyfus Jazz/Sony-BMG)
Resonance / Lettre à Loïse / My romance / August in Paris / Memories / Magic Mirror / Smile / Moody Piano / Morning star / Dreamland / Isopod / Real addict / Corps et âmes / Nature boy
dimanche 11 décembre 2005