King Krule “The OOZ”

Archy Marshall n’a jamais été là où on l’attend. Après “6 Feet Beneath the Moon” (2013) et ses fulgurances nocturnes, il revient avec “The OOZ”, un disque labyrinthique, poisseux et insaisissable, qui confirme qu’il est l’un des artistes les plus fascinants de sa génération.
The OOZ a tout de ka ville engloutie. On y erre au fil des morceaux, entre jazz déglingué, dub crépusculaire et post-punk fiévreux. King Krule y chante comme s’il s’adressait à la nuit, la voix râpeuse et traînante, parfois hargneuse (“Dum Surfer”), parfois complètement désabusée (“The Locomotive”). Cet album suinte la solitude et la dérive, entre beats minimalistes, guitares en écho et nappes atmosphériques inquiétantes. “Czech One”, magnifique lamento aérien, flotte hors du temps, tandis que “Biscuit Town” ouvre l’album sur une nonchalance vénéneuse.
Mais derrière ce chaos maîtrisé, il y a une véritable narration. King Krule dessine un Londres moite, où l’ennui et l’angoisse s’entrechoquent, où l’amour est un mirage, où chaque chanson est un morceau de réalité distordu. Rien n’est simple, tout est complexe, tout est gluant. Et pourtant, on s’y perd avec fascination. “The OOZ” est un monument de spleen urbain, un album malade et brillant, qui rappelle que King Krule est un sorcier du son, capable de nous emmener dans les profondeurs sans jamais nous perdre complètement.
★★★★★
King Krule “The OOZ”, 2017
Biscuit Town / The Locomotive / Dum Surfer / Slush Puppy / Bermondsey Bosom (Left) / Logos / Sublunary / Lonely Blue / Cadet Limbo / Emergency Blimp / Czech One / (A Slide In) New Drugs / Vidual / Bermondsey Bosom (Right) / Half Man Half Shark / The Cadet Leaps /