Quand est né le hip hop ?

Quand est né le hip hop ?

Le hip-hop, genre musical aujourd’hui mondialement dominant, prend racine dans le South Bronx, à l’été 1973. Ce quartier new-yorkais, dévasté par la pauvreté et la crise urbaine, offre le décor d’une véritable renaissance culturelle. Avec ses immeubles en ruine, ses terrains vagues et son trafic de drogue omniprésent, le South Bronx abrite une population principalement composée d’Africains-Américains, de Portoricains et d’immigrants des Caraïbes. Ces communautés, marginalisées et exclues de Manhattan, survivent dans un environnement où le revenu annuel moyen n’atteint que 40 % de la moyenne nationale.

C’est dans ce contexte qu’une fête organisée le 11 août 1973, au 1520 Sedgwick Avenue, marque les débuts d’une révolution culturelle. DJ Kool Herc, de son vrai nom Clive Campbell, y invente une nouvelle manière de mixer la musique : il enchaîne les passages instrumentaux, appelés breaks, de morceaux funk ou soul, mettant de côté les mélodies pour privilégier un groove continu. Ce style est immédiatement adopté par la jeunesse du quartier, qui y trouve une énergie unique. Kool Herc est rapidement rejoint par Afrika Bambaataa et Grandmaster Flash, figures majeures du mouvement, qui enrichissent les techniques musicales et élargissent les influences, allant du calypso au groupe allemand Kraftwerk.

Le hip-hop ne se limite pas à la musique. Il s’appuie sur trois piliers fondamentaux : les DJ et rappeurs, les graffitis qui habillent les murs de la ville, et la breakdance, danse acrobatique inspirée des films de kung-fu et des chorégraphies de James Brown. Les jeunes artistes, qu’ils soient DJ, graffeurs ou danseurs, forgent une identité commune dans cette culture en pleine émergence, baptisée “hip-hop” en 1975. Le terme s’impose alors comme un cri d’affirmation face à la marginalisation sociale et culturelle.

Le développement du hip-hop s’accompagne de la montée des MC (Master of Ceremonies), qui ajoutent des paroles improvisées ou rythmées aux sets des DJ. À travers des « batailles » mêlant rimes et performances chorégraphiques, les MC, comme Sha-Rock, l’une des rares femmes du mouvement, deviennent les nouvelles figures de proue. Les Portoricains, quant à eux, jouent un rôle essentiel dans la breakdance mais restent souvent invisibilisés dans l’histoire officielle du mouvement.

Les clubs emblématiques du Bronx, tels que le Disco Fever ou le Black Door, permettent au hip-hop de se professionnaliser. En 1979, le succès de Rapper’s Delight par le Sugarhill Gang marque un tournant : le rap dépasse les frontières du South Bronx et commence son ascension nationale et internationale.

Plongeant ses racines dans l’Atlantique noir et la diaspora africaine, le hip-hop porte l’héritage des griots d’Afrique de l’Ouest, transmis par le gospel et le blues, mais également celui des sound systems jamaïcains. Comme le résume Jeff Chang, l’innovation de Kool Herc ne réside pas tant dans la technique que dans une philosophie du rythme : « Oubliez la mélodie, le chorus, les chansons – tout tenait dans le groove, le construire et le maintenir. »

En moins d’une décennie, le hip-hop passe du statut de sous-culture urbaine à celui de mouvement global, tout en restant marqué par ses racines sociales et politiques.

A retrouver dans “L’Histoire” numero 511 (septembre 2023)

Jean-Marc Grosdemouge