Vincent Delerm "Kensington Square"

La France est pleine d’animateurs télé qui n’écoutent pas les albums et de gens de plume qui aiment le fiel. Si bien que l’arrivée de cet album de Vincent Delerm, qui a franchement cartonné avec son premier opus (voir notre article), ne peut déclencher que deux types de réactions : le rejet total ou l’encensement bébète. Je choisirai une voie médiane.
Mai 2002 : je n’ai pas encore de contacts dans les maisons de disques et ce site n’est même pas dans mes projets. Mais Tôt ou Tard m’a invité à découvrir deux de ses artistes (Jeanne Cherhal et Vincent Delerm) à l’Européen. Ce label demande en effet aux acheteurs de ces disques de lui renvoyer ses coordonnées et les invite parfois à des concerts. Me voilà donc devant deux spectacles piano solo avec deux artistes qui, successivement, déploient un univers drôle et référencé. Exactement le genre d’artiste de scène qui va faire son chemin tranquilement, me dis-je, en voyant Delerm. Puis l’écoute de l’album éponyme me convainc que bien que comportant pas mal de jolies chansons, ce disque a ses imperfections. Je ne note cet album que ** (voir l’article, publié sur Rock N France puis publié sur le site M la Music à son ouverture). Chez moi, je dois vous dire que donner *** ou plus (sur *****) ça a vraiment une signification. Retour sur les derniers mois : Vincent Delerm a fait une tournée qui lui a permis de bénéficier d’un bon bouche à oreille, et comme sa collègue Jeanne Cherhal, a vendu quelques milliers d’album. Son spectacle n’a pas été filmé pour en faire un DVD (voir notre article). Au fond, la profession ne fait pas grand cas de ce jeune auteur-compositeur, mais son nom circule comme celui d’une révélation, qui ne tardera pas à éclater très vite au grand jour. Bien sûr, rien ne s’est passé comme ça. Mais faisons comme si. Deuxième album : tiens, la voix de Vincent, j’ai déjà moins de mal. Il chante un peu moins guttural, moins maniéré. Les orchestrations sont plus riches, plus pop, moins basiquement piano-voix. La touche baroque induite par l’emploi du clavecin est fort sympathique. Keren Ann et Dominique A sont invités (“Veruca Salt et Frank Black”) et les textes sont toujours écrits dans cette veine quotidienne et référencée (Patrick Modiano, Deutsche Gramophon, Harmonia Mundi, les bracelets brésiliens, Balavoine, Le Ché, le riz en Somalie, les bouquinistes). C’est mieux. Il va franchir la barre psychologique dans ma notation personnelle.
Vous l’aurez compris : j’ai écrit ce que j’aurais écrit sur ce deuxième album quelles qu’aient été les ventes du premier. Seule m’importe l’oeuvre de Vincent Delerm, pas son compte en banque. Ne comptez pas sur moi pour descendre cet artiste ou pour l’encenser sans discernement. Résumons : le premier album de Delerm était une jolie révélation, le deuxième s’affirme, et gageons que le troisième sera plus abouti encore. Les ventes de Vincent Delerm ont juste deux albums d’avance sur son épanouissement artistique…
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Vincent Delerm “Kensington Square”
1 CD (Tôt ou Tard/Warner), 2004
mardi 18 mai 2004