Jean-François Coen "Vive l’amour"

Jean-François Coen "Vive l’amour"

Avis à tous ceux pour qui la tour de Pise n’est pas juste une tour italienne penchée : l’interprète de cette chanson est de retour. Jean-François Coen, ancien du groupe Modern Guy (qui enregistra à New-York avec John Cale) et qui chantait “La tour de Pise” en 1993 va bien, je l’ai rencontré cet été.

Une séparation douloureuse avec son précédent label, Columbia (son premier album, mal distribué, est introuvable à ce jour), deux accidents de moto (dont un lui a laissé sa main gauche paralysée pendant quelques temps) et des jobs alimentaires (“j’ai bossé à la bourse ; je notais des idées de chansons sur des fiches”) n’ont pas eu raison de lui.

Notre homme est un brin timide. La scène est une expérience qu’il a à peine frôlé et retenter le coup ne le tente pas plus que ça. Le support favori de Coen, c’est le disque. Sauf que… notre homme signe seulement son deuxième album en plus de dix ans. Ces dernières années, un peu parce qu’il fallait bien, Coen a pensé à lui, n’écoutant que peu de musique. “J’ai découvert Benjamin Biolay il y a peu, concède-t-il quand on lui parle de Florent Marchet. Parfois, j’entends un truc bien, mais je ne sais pas de quoi il s’agit”, dit celui qui à l’âge de dix ans écoutait Cat Stevens et Jimi Hendrix, et qui, chaque matin était réveillé en pension par la “Messe pour le temps présent” de Pierre Henry.

Malgré un premier album joliment produit, dont il dit ne toujours pas avoir récupéré les bandes masters malgré les promesses de Sony, Jean-François Coen n’a pas reçu de propositions pour produire les albums d’autres artistes. Loin de l’attitude du vibrillonant Biolay (“il a l’air déterminé, lui”), loin de celle, opportuniste, du personnage de “Vive l’amour” (“une chanson que j’avais écrite pour Dutronc, à l’époque où on était tous les deux sur le même label, mais que j’ai finie après qu’il ait fini son album”), Coen, pas du genre ramenard, a attendu de se refaire la cerise. Quand il a enfin retouvé une maison de disques, Coen s’est mis au travail, en studio, enregistrant pratiquement tous les instruments (guitare, basse) et assurant les programmant seul. Un percussionniste, un DJ (Double qui assure les scratchs sur “Calamity Jane”) et une chanteuse (Salomé Califano, venue lui donner la réplique dans “Ulysse et Pénélope”) se sont joints à lui.

S’il signe toutes les chansons, Coen chante un texte de Guillaume Israël, complice du premier album, aujourd’hui disparu (“Photogénique”) et un de Stan Cuesta (“Casse-toi”). Cette dernière avait écrite par Cuesta pour lui-même ; Coen l’a reprise, en changeant la musique, qui ne lui convenait pas. Se doute-t-il qu’il est attendu ? Jean-François Coen dit ne pas s’en apercevoir. “Des gens qui disparaissent de la musique, il y en a tous les mois” tranche-t-il. Il est vrai que pour un Daniel Darc, une Dani ou un Alexandre Varlet qui, à force de patience, arrivent à se remettre en selle, certains sont mort pour la France. Mais Coen n’est pas tombé sur le front pop.

Il revient avec une jolie collection de chansons, dans laquelle l’acidité (dans les textes ou les musiques, parfois électronique voire électronico-bruitiste) s’invite parfois. Cet ancien qui “n’alainsouchone” pas pour les cochonnes, et qu’on ne voit pas vieillir tant il est discret pourrait faire la nique à pas mal de gens dans la “nouvelle chanson française”.

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Jean-François Coen “Vive l’amour”, 1 CD (Naïve), 2004

première publication : mardi 31 août 2004

Jean-Marc Grosdemouge