Francesco Tristano “Auricle Bio On”

Francesco Tristano “Auricle Bio On”

On savait le pianiste Francesco Tristano – 25 ans – fan de musique électronique (il a découvert la techno à New York, quand il étudiait à la prestigieuse Juilliard School), mais son premier album, “Not for piano”, pour le label InFiné – créé pour sortir cet album, après un concert parisien en 2005 – le voyait oeuvrer dans un format classique d’un point de vue formel.

Ce qui ne l’empêchait pas de développer une esthétique proche de la musique électronique, par la répétition de notes, un jeu métronomique presque robotique, et – pour que ses influences soient plus claires encore – en reprenant Autechre ou Carl Craig.

Après avoir travaillé avec Agoria (il a réalisé deux morceaux sur l’album “The Green Armchair”), Murcof et Carl Craig (pour travailler sur un remix de “The melody”, ce dernier l’a invité à Detroit pour ré-enregistrer certains passages de piano), c’est bel et bien dans des climats électro qu’il évolue ici, traitant lui même les sons de son piano à l’aide de clusters, d’oscillateurs et de flangers, comme a pu le faire également Laurent de Wilde sur “PC Pieces”.

Dans ces deux longues pièces (vingt minutes chacune), Tristano se révèle complètement hors format, tangentiel en un sens, puisque cet interprète de Frescobaldi, Bach, Ravel ou Berio sample son piano, juxtapose des bruits pour créer une musique ambient qui doit beaucoup à John Cage, inventeur du piano préparé. A propos de ce dernier, Tristano explique : “Depuis Cage, on sait que n’importe quel bruit est de la musique.” Et d’ajouter que le piano est une machine, utilisée pour obtenir des effets inspirés de la techno. Normal donc qu’il confie son travail à Moritz Von Oswald, qui “enchante et masterise” cet album. Von Ozwald dont on vantait, il y a peu, les mérites en compagnie, justement, de Carl Craig, à qui l’on revient toujours.

Loin des trajectoires toutes tracées, Francesco Tristano opte pour la stratégie oblique et démontre une singulière propension à faire cohabiter des univers souvent opposés, mais qui trouvent en lui un point de ralliement. Hors-norme, acrobate, adepte du grand écart : les termes ne manquent pas pour qualifier ce défricheur. Disons qu’il est tout simplement lui-même, digne représentant de la culture hypertexte de notre époque, mixant symboles et formes pour inventer un monde parallèle sans classifications stériles.

****

Francesco Tristano “Auricle Bio On”, 1 CD (InFiné/Discograph), 2008

vendredi 28 novembre 2008

Infos : www.myspace.com/francescotristano

www.myspace.com/infinemuzik

www.infine-music.com

Jean-Marc Grosdemouge