Jean-Louis Murat “Grand lièvre”

Jean-Louis Murat “Grand lièvre”

Je dois être en train de devenir un vieux garçon, car mes petites habitudes me paraissent de plus en plus rassurantes : la galette des rois en janvier, “Le canard enchainé” chaque mercredi matin, du chocolat à Pâques et à Noel, le dernier Houellebecq une rentrée littéraire sur trois, et j’en passe… tout ça jalonne ma vie, donne des repères.

Dans cet univers de petites marotes, la livraison annuelles de chansons du père Murat fait figure d’institution, comme autrefois le passage du rémouleur dans les campagnes. L’alégorie n’est pas gratuite, on y reviendra. On glose à l’envi sur les métamorphoses de certains artistes anglo-saxons : Bowie, Bjork, Beck. En France, on n’a pas de pétrole mais on a Mumu, sa grande gueule (récemment, il fut grandiose face à Mathieu Maire du Poset de “Marianne”), et sa capacité à se réinventer d’album en album. On l’a vu mélancolique en début de carrière (“Cheyenne autumn” et ses nappes de claviers), baudelairien (“Charles et Léo”), médiéval (“Tristan”), ultra poppy avec le sous estimé “A bird on a poire” (’excellent parce que la voix de Jennifer Charles y est ultra toride mais aussi parce que JLM y est à son meilleur question mélodies), ou encore countrisant avec “Mustango” puis “Le cours ordinaire des choses”, enregistré aux States.

Mais ce grand lièvre a été enregistré à la maison, c’est à dire à la campagne auvergnate. C’est en effet un album très terrien, pas seulement parce que JLM y chante “Vendre les prés” ou “Haut Arverne”, mais parce que c’est une collection de chansons authentiques, aux mélodies simples, qu’on fredonne bien vite. A la simplicité des mélodies répond en retour le caractère un peu asbcons des paroles. Il vaut mieux s’armer du livret pour savoir vaguement de quoi il retourne tant la poétique de Murat vire à l’abstraction.
On a parfois l’impression de ne rien comprendre, comme si l’on écoutait les Cocteau Twins, grand groupe cryptique par excellence, et dont on aimerait bien recevoir des nouvelles chaque année mais ça c’est une autre histoire. Car “Grand lièvre” est un grand disque et tel le rongeur aux longues oreilles, courrez vous le procurer.

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Jean-Louis Murat “Grand lièvre”, 1 CD (Scarlett/V2 Music)

première publication : dimanche 4 décembre 2011

Jean-Marc Grosdemouge