Cocteau Twins “Four Calendar Café”

Après l’immense succès de “Heaven or Las Vegas” (1990), les Cocteau Twins passent de chez 4AD à Fontana et y livrent Four Calendar Café, un album qui séduit par sa subtilité. Sans chercher à réinventer leur son, le groupe y glisse quelques touches inédites, tout en restant fidèle à son univers éthéré.
En 1993, les Cocteau Twins n’avaient plus rien à prouver : leur chef-d’œuvre précédent était devenu une référence absolue du dream pop, un océan scintillant de sons et d’atmosphères éthérées porté par les vocalises angéliques de Liz Fraser. Alors que “Heaven or Las Vegas” est aujourd’hui considéré comme l’album-phare du groupe, “Four Calendar Café” ne cherche pas à répéter cette formule, mais plutôt à la peaufiner, tout en explorant de nouveaux horizons sonores.
L’album s’ouvre avec “Know Who You Are at Every Age”, un morceau mid-tempo qui introduit immédiatement les subtilités du disque. Une percussion teintée de sonorités latines, des vocaux de Robin Guthrie plus présents qu’à l’accoutumée et une ambiance résolument spatialement éthérée. Ce morceau est un excellent point de départ, mais il est rapidement éclipsé par la majestueuse “Evangeline”, l’un des titres les plus saisissants du répertoire des Cocteau Twins. Les couches denses des voix de Fraser et des guitares baignées de reverb créent un mur de son à la fois doux et écrasant, avant de se transformer en un changement de tonalité d’une élégance rare. Un morceau magistral, où le groupe prouve sa maîtrise parfaite de l’écriture musicale.
Cependant, après cette entrée en matière tonitruante, l’album commence à s’égarer par moments. “Bluebeard”, qui suit, rappelle les morceaux plus dynamiques de “Heaven or Las Vegas” ou “Blue Bell Knoll”, mais c’est dans les moments plus lents et contemplatifs que Four Calendar Café peine à maintenir l’élan. Bien que le groupe ait brillamment exploré cette esthétique plus lente par le passé (comme en témoignent des titres comme “Lazy Calm” de “Victorialand”, sans doute leur meilleur morceau), ici ces passages manquent de l’intensité et de l’émotion qui les caractérisaient. “My Truth” est l’exemple parfait de ce manque de mouvement, se réduisant à un simple point de départ sans progression véritable, ce qui finit par rendre l’écoute laborieuse. “Essence” s’en sort un peu mieux, mais n’atteint pas l’excellence des grands morceaux contemplatifs du groupe.
Parmi les morceaux plus expérimentaux, “Oil of Angels” aurait pu briller par son potentiel, mais la répétition obsessionnelle des syllabes par Fraser, qui rappelle le style de “Psycho Killer” des Talking Heads, devient rapidement agaçante. Fort heureusement, l’album se redresse dans ses derniers instants avec “Pur”, un morceau classique des Cocteau Twins, avec une large gamme dynamique et une progression captivante qui rappelle la splendeur des grands moments du groupe.
En définitive, “Four Calendar Café” n’était pas destiné à égaler le chef-d’œuvre qu’était “Heaven or Las Vegas”, et il ne semble pas que les Cocteau Twins aient cherché à en faire une réplique. Ce disque est simplement une collection de chansons que le groupe aimait et souhaitait partager avec ses auditeurs. Il commence très fort, avec un enchaînement de morceaux d’une beauté incandescente, avant de montrer quelques signes de faiblesse dans sa deuxième moitié. Dans ses moments les plus faibles, l’album peut paraître aérien et sans conséquence, mais dans ses meilleurs instants, il incarne la beauté pure, comme tous les grands disques des Cocteau Twins. Un album souvent oublié dans leur discographie en raison de son positionnement dans leur carrière, mais qui, au fil de l’écoute, réserve plusieurs joyaux cachés.
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Cocteau Twins “Four Calendar Café”, 1 CD (Fontana), 1993
