“Souvenirs, souvenirs… Cent ans de chanson française”
exposition à la BNF (Paris) jusqu’au 31 décembre 2004

“Souvenirs, souvenirs… Cent ans de chanson française”
exposition à la BNF (Paris) jusqu’au 31 décembre 2004

Du gramophone au balladeur numérique, du caf’-conc’ aux Zéniths, la chanson française est dans tous ses états à la Bibliothèque Nationale de France.

Une exposition sur la chanson française. Enfin ! Quand on apprécie cet art si quotidien, si intemporel, on ne peut qu’apprécier que la vénérable Bibliothèque Nationale de France s’empare du sujet. Allons nous faire une idée précise sur place. Premier bon point : le lieu respire les couleurs, ce qui est divertissant, et tranche avec l’ordinaire des galeries sombres. On commence la visite de ce siècle de chanson en 1900 avec les cafés-concerts et les cabarets. Puis c’est la guerre de 14-18 (chansons bellicistes, ou chansons qui soutiennent le moral des troupes) puis vient l’heure des revues (Mistinguett, Joséphine Baker), interrompue par la deuxième guerre mondiale de 1939 à 1945 (quoique, tandis qu’André Dassary chante “Maréchal nous voilà”, certains artistes se produisent pour l’Occupant), et la reconstruction (qui voit éclore Piaf, Aznavour, Trénet).

On débouche sur les fastes années 60, qui voient notamment l’éclosion des “yé yés” (voir notre article) et de leurs “idoles” : la trinité Sylvie-Sheila-Françoise, Johnny, Frank Alamo, Richard Anthony, Chaussettes Noires et Chats Sauvages. Suivent les années 70, qui oscillent entre la contestation (Ferré, Béranger, Magny) et la télé-paillettes de Guy Lux et Danielle Gilbert (on appréciera le contraste d’un poster de Patrick Juvet qui voisine avec un disque intitulé “Amour anarchie”). Les années 80 voient un retour aux racines (les Garçons Bouchers reprenant Fréhel et Piaf, Les Négresses Vertes qui réhabilitent l’accordéon), l’apparition des Zénith et les chansons caritatives (SOS Racisme, Ethiopie, Restos du coeur), puis ce sont les dernières années, qu’on connait mieux. Sur la fin de cette expo, on croise Benabar, -M-, Emilie Simon et Carla Bruni, Mathieu Boogaerts, Thomas Fersen, etc… Pour chaque décennie, l’exposition propose une liste de dix chansons marquantes, un objet (gramophone, radio, teppaz, lecteur cassette, balladeur CD, etc) et des photos, des partitions, des disques, des affiches, etc… En complément, un écran diffuse en continu des images d’époque dans chaque pièce. On pourra conclure la visite en allant écouter des chansons de chaque période dans des casques imitant ceux des coiffeurs pour les mises en pli, ou regarder une sélection d’images extraites de “Discorama” ou “Dim dam dom”.

Que la chanson, trop souvent réduite au rang d’art mineur, accède, par cette exposition, à la place qu’elle mérite, est un bienfait : car l’on comprend bien, en déambulant entre partitions et photos, entre paroles de chansons et images, que la chanson est un art qui accompagne nos vies, qui accompagne (et parfois précède ou aide) les mutations de la société. La chanson est un art qui ne s’enferme pas : enregistrer de la musique, par exemple, ce n’est pas la dérober aux autres. C’est, au contraire, la capter, pour mieux la transmettre à d’autres. Si cette exposition peut donner envie aux jeunes générations de se plonger dans le patrimoine musical, comme on se plonge plus habituellement dans le patrimoine littéraire ou cinématographique, ce ne peut être que bénéfique. Car, bien que le piratage soit désigné par tous comme l’unique cause des revers de l’industrie du disque, le mal est ailleurs : de nos jours encore, la culture musicale ne porte jamais que sur les musiques savantes (cf France Musiques, ou Eve Ruggieri sur France 2). Le jour où l’on éduquera l’oreille des auditeurs (et notamment les plus jeunes) en matière de musique populaire, les ventes de disques s’en porteront peut-être mieux.

à la BNF (site François Miterrand), quai François Mauriac 75013 Paris. Du mardi au samedi de 10 h à 19 h, le dimanche de 12 h à 19 h, sauf lundi et jours fériés

première publication : mardi 14 décembre 2004

Alain Cattet