Joseph Arthur “Big City Secrets”

Joseph Arthur “Big City Secrets”

Peter Gabriel, figure tutélaire de Real World Records, a craqué pour ce jeune Américain venu du fin fond de l’Ohio. Et à l’écoute de ce premier album, on comprend pourquoi : Joseph Arthur, 24 ans, offre un folk-rock à la fois fragile et habité, capable de faire vaciller le cœur sans jamais forcer le trait. Son admiration pour Leonard Cohen, héritée de Jeff Buckley, transparaît dans chaque phrase, chaque respiration de ses chansons.

Big City Secrets” évoque un chaos intérieur sublimé par la beauté. “Good About Me” frappe d’entrée, chanson douce-amère où la mélancolie se mêle à une énergie retenue. Sur le titre “Mercedes”, Arthur s’accompagne d’un harmonica qui semble émerger d’un souffle ancien, tandis que “Marina” fait résonner des trombones inattendus et “Crying Like A Man” s’enrichit de percussions et d’instruments rares, tissant un décor sonore à la fois riche et subtil.

On sent chez Joseph Arthur une gestation presque douloureuse de la musique : chaque note, chaque texte semble un exutoire de sa personnalité complexe. Le passage par les studios de Real World n’est pas un simple décor : la patine des musiques du monde, chère au label, irrigue le disque et transforme ce folk-rock américain en quelque chose de plus vaste, de plus universel. On reconnaît là l’influence de l’“esprit Real World” : exploration, minutie, ouverture sur d’autres traditions sonores.

Cet album est personnel, dense, et débarque sans prévenir, comme une petite bombe émotionnelle. L’écoute entraîne loin, entre spleen et émerveillement, et prouve qu’un premier disque peut déjà posséder l’étoffe d’un chef-d’œuvre intime. “Big City Secrets” est un aller simple vers le bonheur, à savourer sans modération.

J-Marc Grosdemouge