Nojazz “Nojazz”

On imagine déjà la tronche qu’ont dû sérieusement tirer tous les mandarins du jazz quand cette galette a aterri l’an passé sur leurs platines : quoi ? de jeunes blancs becs osaient débaucher le jazz ? Ils osaient ainsi dénaturer le swing ? L’abâtardir ?
Les critiques assassines ont plu. Elles ont plu du verbe pleuvoir, elles n’ont guère ému les attachées de presse qui s’amusèrent à collectionner ces bouts de phrases assaisins, et comptaient les points. Pour ma part, je me souviens, pour l’avoir lue dans un magazine, d’une phrase qui devait donner à peu près ceci : “Nojazz, en effet.” J’étais estomaqué : reprocher à un disque de jazz de trop partir dans tous les sens, de mélanger les styles … cela me paraissait un peu bizarre. Quoi, le jazz, ce n’était pas “la musique du siècle”, celle qui s’était nourrie de dizaines d’influences, avait donné lieu à de nombreux styles (dont, quand même, le rock, ce fils muavais car trop vulgaire).
Et ne demandait-elle pas mieux, cette musique, qu’à continuer à se donner à qui elle voulait quand elle le voulait, pour mettre au monde de nouveaux rejetons, ou juste pour le plaisir ? Et puis plus rien … Par la faute d’une Poste de plus en plus à la ramasse (les colis remplis de CD disparaissent mystérieusement), qui ne me délivra pas le disque par deux fois, cette chronique faillit ne jamais être écrite. Mais par la grâce d’un coursier casqué, le disque tant honni de la presse arriva enfin à moi, un jour de janvier.
J’ai écouté, et franchement, moi qui n’ai pas craqué (c’est le moins qu’on puisse dire) sur “Tourist” de Saint Germain, sorti en 2001, qui s’apparente à une vaste supercherie, je trouve que Nojazz s’en sort pas mal : il y a des références à Cuba (“Candela”), des scratchs, le groove s’en donn à coeur joie. Nojazz ne fait pas de chichi : sa musique est là pour mettre l’ambiance, faire danser. Pas bégueule, quoi.
Ajoutons que, pour le coup, ces cinq-là ressemblent plus à des jazzmen (ce qu’ils sont puisqu’ils sont instrumentistes) que le célèbre bidouiileur-à-catogan-qui-a-sorti-son-disque-chez-Blue-Note-alors-ça-prouve-bien-que-c’est-du-jazz.
Les morceaux de Nojazz sont groovy, et il y a de la pro-gres-sion ! Toute chose que Saint Germain ne sait pas faire. J’ai déjà eu l’occasion de développer cette thématique à propos de “Moving” de Bugge Wesseltoft. Certes les Français n’égalent pas le Norvégien, mais ce disque ne mérite pas tous les cris d’orfraies entendus lors de sa parution.
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Nojazz “Nojazz”, 1 CD (Warner Jazz), 2003
samedi 10 mai 2003
Intro / Candela / Nojazz Song / Pick Up / Blz & Timike – Interlude / Jungle Out / Medina : Intro / Medina / Urgence / Nojazz Song “unplugged” : Interlude / What Time Is It / One Muscle : Interlude / Jazz Attack / El Primero / C & C : Interlude / Candela (club version)