Panti Will “H.e.l.l.”

Panti Will frappe fort avec “H.e.l.l.”, un chaos musical aussi inventif qu’inattendu. Ce trio français fusionne électronique, jazz, hip hop, et rock dans une déconstruction sonore aussi radicale que jubilatoire, entre samples vinyles et ambiances gothiques. Un album expérimental où chaque genre se tord et se mélange, pour un album à la fois bizarre et brillant, à faire frémir les conventions.
Si la déstructuration des sons rock, le concassage de samples et l’emmêlement de dialogues est un art, alors Panti Will signent leur chef-d’oeuvre. Derrière ce nom de code se cachent trois français : Stéphane Bodin et François Marché (du groupe Bosco) et Michel Cloup (ex-Diablogum qui officie dans Expérience).
Quelque part entre électronique (les machines), musique concrète (sens de la recherche), le hip hop (quelques scratchs), le jazz (ici, le swing est technologique) et l’énergie rock, Panti Will signe un album ou les beats ne peuvent se rattacher à aucun courant précis susnommés, pour la bonne raison qu’il les mélange tous.
Parfois, un grincement rappelle que le groupe a travaillé avec des vieux disques vinyl comme base de travail. En pendant arty et non dansant des australiens The Avalanches, Panti Will est tout à fait crédible. Samples Jazzy (“So Sorry”), paroles en allemand, tentative de morceau “j’accélère-je ralentis” (“C,M’nsta”) ou ambiances gothiques (“Freeze”, sur lequel on reconnaîtra une rythmique utilisée par DJ Shadow sur “The Private Press”), on entre ici de plain pied dans un univers qui se rit des conventions.
Panti Will, c’est un peu les Cocteau Twins et DJ Shadow qui partent se ballader en forêt, se font attaquer par un collectif dans lequel chaque genre musical ayant vu le jour ces cinquante dernières années a envoyé un membre pour le représenter. “Hell” est la bande son de cette agression. Et la pièce à conviction est belle à entendre … même si cela ne semble pas être l’avis de la personne qui hurle à fin du dernier morceau (fantôme). Un voisin venu se plaindre ? L’enregistrement à l’air crédible.
Cet album va au bout de sa démarche : les morceaux ne sentent pas du tout le coup fumant ou l’attitude poseuse qui consisterait à dire “attention les gars, je vais vous épater”. On a plutôt l’impression de se trouver face au travail du cerveau d’un créateur gentiment dérangé comme peut l’être un artiste comme Aphex Twin. Et on n’a même pas peur.
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Panti Will “H.e.l.l.”, 1 CD (Dora Dorovitch/Discograph), 2003
Ausgang / Green Bob / Brune / C,M’nsta / Freeze / Springhill Notas / So Sorry / Lates / Feelin’ Alright ? / Post Mortem Sickness / Hell
samedi 23 août 2003