Santa Cruz "Welcome to the red barn"
Il était prévisible qu’après quelques années, le style American Music Club-Red House Painters-Lambchop, soit un songwriting rock proche de la country, un courant appelé “americana”, ferait école en France. Il était moins prévisible que cela donne de beaux fruits. Ainsi, après Oboken, la révélation française dont on pourrait croire qu’elle vient d’un des cinquante états des USA s’appelle Santa Cruz, et rappelle parfois Tom Waits.
Ce groupe (six musiciens et un ingénieur du son) basé en Bretagne et qui a créé son propre label, se veut un collectif. Des invités comme Red, Thomas Belhom ou Laetitia Sherrif rejoignent parfois le “noyau dur” en studio. Santa Cruz dit se réclamer des romans de Cormac Mac Carthy et tente de créer une “musique pour western dépressifs”. On doute fort que ce genre cinématographique existe (ni même qu’il voie le jour), mais sa musique, elle, existe déjà. Et elle donne parfois la chair de poule, comme quand des grincements viennent pimenter une chanson “Oh my Lord !”) ou quand Santa Cruz reprend “River guard” de Bill Calahan (Smog) et qu’en arrière fond une voix pleine de trémolo vient épauler celle, grave, du chanteur. Une autre reprise, celle de “I wanna be your dog” des Stooges, version anesthésiée, figure aussi sur cet album qui sent la poussière et le soleil du désert californien, où il n’existe pas de granges rouges, où l’on ne boit pas que de l’eau (une chanson a pour titre “I don’t drink water”, et l’on entend dans “Alcohol, spirits and wine” que l’alcool, les liqueurs et le vin aident le narrateur “à rester en vie”) et où les chiens aboient les soirs d’orage. Autre référence au rouge : la rivière que chante le groupe, “red with mud” (rouge et boueuse), sur laquelle on entend des pales d’hélicoptère tourner et des guitares proches de la stridence. Ailleurs, Craig Snyder, qui signe les paroles de quelques titres (“Highway 84”, “Westbound train”), récite ses propres mots sur “L.A. Lament”. L’histoire d’un homme qui vit dans son camion à Los Angeles.
L’Amérique est peut-être une carte postale pour ce groupe, mais pas un cliché, puisqu’une chanson (“Bunch of stars”) fait référence à son président : “Don’t be afraid, Mr. Bush said” dit le refrain. On rarement vu un groupe venant de Bretagne aussi peut breton, un groupe venant de France aussi américanophile, et rien que pour cela, le détour par Santa Cruz s’impose.
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Santa Cruz “Welcome to the red barn” (Hasta Luego Recordings), 2003
