Scala & Kolacny Brothers "Dream on"
Entre intuition immédiate et recul parfois trompeur, la critique musicale révèle ici ses limites : ce qui semblait autrefois rafraîchissant peut, avec le temps, prendre des airs de recette trop maîtrisée. Avec ce nouvel album de Scala, la chorale belge déploie une série de reprises et de collaborations qui oscillent entre belles trouvailles et impression de déjà-vu, confirmant qu’un projet séduisant à la première écoute peut perdre un peu de sa magie lorsqu’il s’installe dans la routine.
Si la critique musicale n’est pas un long fleuve tranquille (les quelques mails d’insultes que je reçois parfois parce que j’ai dit qu’untel…), ce n’est pas non plus une science exacte. La différence entre l’histoire de l’art et la critique, c’est que quand la première a pour elle l’assurance que procurent les siècles passés pour se prononcer sur les oeuvres (Léonard De Vinci est un génie, Robert Chombier faisait des croûtes), la critique juge dans l’instant. Et parfois, on manque de recul sur un disque : on l’écoute trois fois, on adore, on l’écrit, et six mois plus tard, la charme a un tout petit peu disparu quand par hasard la galette retrouve le chemin du lecteur. Cela reste un bon disque, mais quelque chose qui tenait à la nouveauté s’est évanoui.
Cela arrive aussi avec un groupe : la première fois que j’ai écouté la chorale belge de jeunes femmes Scala, avec “On the rocks”, j’ai trouvé cela frais. Le problème, c’est qu’avec ce nouveau disque, je sens un peu la recette à chaque titre. Il faut des participations masculines pour que l’intérêt soit captivé. Par exemple “You are” (un titre du groupe Arid sur lequel son chante Jasper Steverlinck est invité) et “Awake” (chanson d’Anton Walgrave, également présent), qui sont deux titres figurant sur le CD bonus. Une rondelle cadeau qui présente aussi “Le grand secret” d’Indochine featuring Nicola Sirkis (RTL 2 va adorer pour son quota de chansons Toubon) et une reprise de Jacques Brel (normal, il est belge, il est mort il y a quarante ans, il est connu, etc.)
Et cette version très “messe” de “Voir un ami pleurer”, même si c’est une chanson de la fin de sa carrière, rend bien hommage au côté cul-béni de l’”Abbé Brel” à ses débuts. Pour le reste : il y a une version intéressante de “Dream on” de Depeche Mode (s’attaquer à un titre électronique avec un piano et une bande de donzelles, chapeau), “Exit music (for a film)” de Radiohead (pour une jolie version émouvante mais moins intéressante que la version instrumentale de Brad Mehldau façon jazz habité), d’autres reprises d’artistes célèbres (Alanis Morrissette, UB40, Red Hot, U2, Lou Reed, The Verve, The Foo Fighters), quelques titres pas connus, et c’est tout.
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Scala & Kolacny Brothers “Dream on” (PIAS)
