Janis Joplin “Pearl”

“Pearl” a 40 ans. C’est un album qui ne cherche pas à être parfait. Il est brut, spontané, sans filtre. Comme Janis.
Janis Joplin n’a jamais eu besoin de forcer. Sa voix rauque, ses interprétations habitées, cette manière de hurler ses tripes sans jamais perdre le fil… C’était inné. Mais “Pearl”, c’est l’album où, pour la première fois, tout semblait s’aligner : la bonne équipe, le bon producteur, la bonne énergie. L’ironie tragique, c’est qu’elle ne sera jamais là pour en récolter les fruits.
Enregistré entre septembre et octobre 1970 avec le Full Tilt Boogie Band, “Pearl” est son album le plus abouti, le plus maîtrisé. Paul A. Rothchild, producteur des Doors, lui offre enfin l’écrin dont elle avait besoin. Fini le chaos sonore du Big Brother & the Holding Company, terminé le son hésitant du Kozmic Blues Band. Ici, chaque note est à sa place, chaque instrument semble comprendre la voix qu’il accompagne. Dès “Move Over”, l’ouverture, Joplin impose une urgence brute, un groove imparable où la rage et la frustration explosent. “Cry Baby”, énorme standard de Garnet Mimms, est une démonstration vocale sans esbroufe, où elle joue avec les émotions comme personne. Puis vient “Me and Bobby McGee”, ballade folk écrite par Kris Kristofferson, qui prendra une dimension mythique en devenant son plus grand succès posthume. On l’entend fragile, nostalgique, puis libérée lorsqu’elle envoie tout valser sur le dernier couplet.
Si l’album regorge de classiques, “Mercedes Benz” reste un moment à part. Un caprice enregistré en une seule prise, où Joplin, sans instrument, se moque avec ironie du matérialisme ambiant. Il s’agit aussi de son dernier enregistrement avant sa mort, le 4 octobre 1970. Le lendemain, elle devait poser sa voix sur Buried Alive in the Blues. Le morceau restera instrumental, ultime marque d’un rendez-vous manqué avec l’histoire. “Pearl” sortira trois mois plus tard, en janvier 1971. Disque posthume, bien sûr, mais pas uniquement. C’est un album terriblement vivant, porté par une voix qui, même cinquante ans après, refuse de s’éteindre.
Janis Joplin “Pearl” 1 CD (Sony Music), 1971
Move Over / Cry Baby / A Woman Left Lonely / Half Moon / Buried Alive in the Blues / My Baby / Me and Bobby McGee / Mercedes Benz / Trust Me / Get It While You Can
Écoute obligatoire :
- “Move Over” : l’ouverture nerveuse, un rock endiablé qui annonce la couleur.
- “Cry Baby” : une interprétation viscérale, à mi-chemin entre le blues et la soul.
- “Me and Bobby McGee” : une ballade qui commence tout en douceur avant de s’envoler.
- “Mercedes Benz” : son dernier enregistrement, cru, ironique, inoubliable.