“Come From Heaven”, l’élégance céleste

“Come From Heaven”, l’élégance céleste

Trip-hop de chambre. En 1997, alors que le genre impose ses ambiances brumeuses et urbaines, Alpha prend une autre direction : une plage ensoleillée, une musique orchestrale, feutrée, où la mélancolie se mêle à l’élégance d’arrangements somptueux.

Avec “Come From Heaven“, le duo bristolien livre un chef-d’œuvre vaporeux, entre soul cotonneuse, jazz impressionniste et réminiscences cinématographiques. Quand ce disque” atterrit sur Terre en 1997, le trip-hop est en pleine ascension. Porté par les succès de Massive Attack, Tricky et Portishead, le genre envahit les ondes, déclinant ses atmosphères brumeuses et son groove alangui dans toutes les directions. Mais Alpha, duo formé à Bristol par Corin Dingley et Andy Jenks, refuse la noirceur urbaine et l’urgence de la rue. Leur musique flotte ailleurs : dans une rêverie orchestrale, caressante et feutrée, où chaque note semble suspendue dans le temps. “Come From Heaven” n’est pas un album de plus dans l’ombre du trip-hop, c’est une élégante échappée belle dans un ailleurs cinématographique et intemporel.

Là où leurs aînés de Massive Attack sculptent un son brut et politique, Alpha choisit la voie de la douceur et du raffinement. Leur trip-hop se teinte de soul vaporeuse, de jazz impressionniste et d’arrangements de cordes dignes des grandes productions de la Motown, mais aussi … du Francis Lai. À l’écoute de “Come From Heaven“, on pense autant à Burt Bacharach qu’à Brian Wilson, à Curtis Mayfield qu’à Ennio Morricone.

Signé sur Melankolic, le label de Massive Attack, Alpha bénéficie d’un soutien de poids, mais reste dans un clair-obscur que seul un cercle de connaisseurs illumine. Pourtant, l’album est une splendeur. Dès les premières mesures de “My Things“, une basse en apesanteur et des voix spectrales nous emportent dans un monde où l’émotion prime sur la démonstration. Les orchestrations y sont somptueuses, les arrangements ciselés avec une précision d’orfèvre.

Pop orchestrale hantée

Les voix féminines, celles de Wendy Stubbs et Helen White, imprègnent l’album d’une sensualité vaporeuse. Sur Sometime Later, sans doute le chef-d’œuvre du disque, le piano mélancolique et les nappes de cordes s’étirent comme une brume du matin sur un lac endormi. La voix se pose avec une délicatesse infinie, comme si chaque souffle était pesé, mesuré, destiné à hanter les souvenirs de l’auditeur.

Alpha, c’est un trip-hop de chambre, un travail d’orfèvrerie sonore où chaque recoin est habité par une nostalgie diffuse. “Come From Heaven” délaisse les basses lourdes et les beats martelés pour se lover dans un cocon d’élégance pure. Les samples de dialogues rétro, les orchestrations amples et les chœurs évanescents lui confèrent un caractère intemporel, quelque part entre la bande originale d’un film oublié et un rêve éveillé.

Aujourd’hui, alors que le trip-hop classique semble figé dans le temps, “Come From Heaven” conserve une aura unique. Moins cité que Dummy ou Maxinquaye, il est pourtant l’un des plus beaux albums du genre, un chef-d’œuvre sous-estimé qui ne cesse de révéler ses trésors à chaque écoute. Pour qui cherche un trip-hop feutré, raffiné et chargé d’émotions pures, Alpha reste une escale incontournable.

★★★★★

Alpha “Come From Heaven” (Melankolic, 1997)

My Things / Raindrops / Sometime Later / Delaney / Hazel / Slim / Come From Heaven / Back / Sometime Later (Reprise) / Firefly / Somewhere Not Heree.

Jean-Marc Grosdemouge