Kelela “In the Blue Light”

Kelela dépouille son R&B futuriste pour un live intimiste au club Blue Note. Une mise à nu audacieuse où sa voix devient l’instrument principal, révélant la force et la fragilité de son univers.
Depuis ses débuts avec “Cut 4 Me” en 2013, Kelela s’est imposée comme l’une des figures les plus captivantes du R&B futuriste. Toujours à la frontière entre sensualité et avant-garde, elle a su transformer le genre en terrain d’expérimentation, s’entourant de producteurs issus de la bass music et des scènes grime et UK garage. Avec “Take Me Apart” (2017), elle affinait cette hybridation, fusionnant nappes synthétiques et rythmiques fragmentées, poussant le R&B vers une modernité quasi liquide. Puis, “Raven” (2023) est venu enfoncer le clou, plongeant encore plus loin dans une texture aquatique, oscillant entre downtempo et house flottante.
Aujourd’hui, avec “In the Blue Light“, elle opère un mouvement radical : se dépouiller. Ce live, enregistré au mythique Blue Note de New York, déshabille ses morceaux pour en extraire la moelle pure, la voix. Sans les productions sophistiquées de ses albums studios, Kelela expose l’essence de ses chansons, leur fragilité, leur puissance intrinsèque. “Enemy“, “Take Me Apart“, “Blue Light” ou “Better” résonnent ici comme des ballades intemporelles, portées par une interprétation habitée, presque mystique.
Retour aux sources
L’idée de ce live acoustique, dans un cadre aussi intimiste, n’est pas anodine. Kelela a grandi avec une culture jazz et soul, et son passage au Blue Note sonne presque comme un retour aux sources, un hommage discret à ces influences qui l’ont toujours accompagnée en filigrane. La réinterprétation de 3Furry Sings the Blues3 de Joni Mitchell en est une preuve éloquente, comme si elle inscrivait son univers dans une lignée plus large, entre introspection et rupture.
Ce projet rappelle aussi la versatilité de l’artiste. Là où ses contemporains enferment le R&B dans des cadres préfabriqués, Kelela prouve qu’elle peut le modeler à sa guise, passant du club au minimalisme sans jamais perdre son essence. En se confrontant à l’épreuve du dépouillement, elle affirme encore un peu plus ce que son public sait déjà : elle est une voix, dans tous les sens du terme.
Un moment suspendu, une performance qui prouve que le futur du R&B passe aussi par ses racines. Et, accessoirement, un grand disque live.
★★★★★
Kelela “In the Blue Light” (Warp Records, 2025)
Enemy (Unplugged) / Raven (Unplugged) / Take Me Apart (Unplugged) / Bankhead (Unplugged) / Waitin’ (Unplugged) / 30 Years (Unplugged) / All the Way Down (Unplugged) / Furry Sings the Blues (Unplugged) / Blue Light (Unplugged) / Love Notes (Unplugged) / Better (Unplugged) / Cherry Coffee (Unplugged)