Fabrice Eola, le cuisinier du son
Ses compositions s’appellent “Crème de potiron à la châtaigne” ou “Potée au chou.” L’auteur-compositeur-interprète de ces oeuvres, Fabrice Eola, est un cuisinier parisien de 38 ans. Qui se cache derrière ce projet farfelu ? Un artiste sensible.
Eola est un cuisinier-musicien qui fabrique de la musique à partir des sons enregistrés pendant qu’il travaille en cuisine : bruits d’ustensiles, grésillements d’aliments en train de frire ou de mijoter … ou des ambiances de restaurants.
Eola (un pseudo) est un vrai cuisinier, un pro des fourneaux qui a appris son métier comme apprenti, et s’est lancé dans la vie active. Travailler en brigade dans un grand restaurant ? Cela ne disait trop rien à Fabrice : trop militaire. Déjà le terme “brigade” … et puis le chef qui hurle les commandes, très peu pour Fabrice.
Eola a donc longtemps travaillé en maison bourgeoise : il cuisinait à demeure pour des grands patrons et décideurs. Une relation plus personnalisée qui convenait mieux à Fabrice, dont la fibre artistique ressort à mille occasion dans la vie tous les jours : très à cheval sur son image, il surveille tout lorsqu’il travaille avec un média : photos, logo, rien de ce qui le concerne ne lui échappe.
Eola a longtemps hésité entre ses deux passions, musicale et culinaire. Lui qui, autrefois, a eu sa période punk-rocker à cheveux rouges, a décidé l’an passé de mettre entre parenthèse sa profession de cuisinier, et de devenir intermittent du spectacle pour se consacrer plus activement à sa musique.
Eola crée des morceaux de musique techno en mixant et en échantillonnant les sons de sa cuisine. Ou en allant enregistrer des grands chefs en cuisine : Alain Ducasse lui ouvert les portes du Plazza Athénée, et le chef Ferran Adria l’a reçu dans son resto trois étoiles Elbulli, en Espagne. En écoutant la musique qui en résulte, on pense au duo californien Matmos, qui, lui, enregistre des sons d’opérations chirurgicales.
Sauf que la cuisine (sport national français) est une discipline nettement plus hédoniste que le point de suture ou la liposucion.
Ambiance garantie quand Eola concocte l’une des ses performances dont il a le secret, on se régale auditivement et gustativement. Radio Nova en a fait la délicieuse (et chaleureuse !) expérience en décembre dernier en invitant Eola à se produire dans ses studios. Fabrice est venu avec de quoi cuisiner et de quoi faire de la musique. Son fils Léo et la nounou de dudit fils étaient de la fête.
Une amie japonaise récitait la recette du foie gras poilé aux truffes et au gingembre, que Fabrice mitonait sur ses “platines de cuisson.” C’est Eola qui avait acheté tous les ingrédients sur ses propres deniers, et qui régalait … dans tous les sens du terme.
Ses projets ? Créer un livre des recettes vraiment original sur le mode des magazines de cuisines japonais qui ressemblent à de vrais fanzines, montrer le film qu’i a réalisé en Espagne avec Adria Ferran, ou proposer un concept d’émission TV : inviter des mamies, qui ont encore dans les papilles les souvenirs des saveurs d’antan, à donner leurs recettes et tours de main. Bon courage car la télé a horreur des vieux. Bien sûr, elle les chouchoute en tant que téléspectateurs, mais elle répugne à les montrer. Pas assez “vendeur” la vieillesse.
La musique d’Eola n’est pas à vendre, mais une vingtaine de titres sont disponibles gratuitement sur son site Internet (http://stage.vitaminic.fr/eola) et l’on peut en écouter dix titres sur un CD offert avec le catalogue de l’exposition Fridge, qui se tient à la Galerie Fraîch’ Attitude (60, rue du Faubourg Poissonière, Paris 10) jusqu’au 15 janvier 2003.
