Alpha "Stargazing"

Alpha "Stargazing"
Alpha revient des limbes lumineux qui l’ont vu naître pour signer, chez un nouveau label français, son album le plus abouti depuis “Come from Heaven”. Entre tunnel de lumière, voix célestes et trip-hop ouaté, le duo bristolien retrouve une grâce intemporelle qui fait oublier les errements du passé.

Après un premier album, en 1997, qui semblait tout droit sorti un halo de lumière (l’envoûtant “Come from heaven” qui portait fort bien son titre) et un second album en roue libre (“The impossible thrill” reprenait la recette du premier sans se renouveler vraiment), les bristoliens Corin Dingley et Andy Jenks signent un nouvel album majestueux. Le premier, soit dit en passant, pour leur nouveau label (français), après deux albums et une collection de remixes sortis chez Melankolic, le label de Massive Attack, si “glad to be sad” quand Corin et Andy se disent “happy as Larry” (à l’aise Blaise).

Comme ces deux-là ne mettent pas leur photo sur la pochette de leurs albums, ils renouent avec le teint orangé de “Come from heaven” après avoir présenté un chat sur fond gris-bleu sur leur précédent album. Retour dans le halo de lumière : ce ne sont pas de étoiles qui figurent sur le visuel de “Stargazing”, mais les lumières de ce qui semble être un tunnel. Je vous vois venir : la dernière fois qu’une oeuvre vous a présenté un tunnel, c’était “Irréversible”, le film de Gaspard Noé, et vous aviez la tête qui tournait. Dans ce tunnel, Monica Belluci subissait les pires outrages. Mais Alpha ne connaît qu’un traîtement : la douceur, la méthode douce. Après une introduction à la Stéréolab (“Sleepdust” évoque la sortie d’un rêve), Alpha prouve qu’il a toujours la haute main sur le trip hop tendance swing, et nous refait le coup de ses chansons cotoneuses. Cinquante titres ont été enregistrés et seuls quelques uns ont eu le privilège d’aterrir dans nos oreilles pour cette fois.

Alpha peut toujours compter sur de jolies, très jolies voix : Wendy Stubb, Helen White, Martin Barnard, et un petit nouveau, Kelvin Swaybe, qui fait très fort pour sa première participation. Ce collaborateur d’Adrian Utley (guitariste de Portishead) signe sur “Elvis” une interprétation magistrale, avec une voix et une classe digne de l’ex-Roxy Music Brian Ferry. Deux hommes, deux femmes, la parité est respectée chez Alpha. Et le carré… est magique. Oubliez le tunnel qui vous a fait si peur chez Noé. A l’écoute du troisième album d’Alpha, vous allez voir des étoiles, Saturne (sous la pluie “Saturn in the rain”). Bref vous allez voir trente-six chandelles, mais vous risquez d’en redemander, car Dingley et Jenks semblent avoir découvert la machine à remonter le temps.

A part “Vers toi”, qui semble composé pour remercier le public français de son soutien, mais tombe un peu à plat, chaque composition ressemble à un petit classique des fifties ou du “Swinging London” qui viendrait juste d’être pondu, donc très frais de goût. Cet album fait donc partie de ceux sur lesquels on peut se jeter sans crainte d’être déçu.

*****

Alpha “Stargazing” (Catalogue/Wagram), 2003

J-Marc Grosdemouge