“Libération” ausculte l’industrie du disque

“Libération” ausculte l’industrie du disque

Dans son édition des 6 et 7 septembre, qui prophétise la mort prochaine du CD, “Libé” se penche sur les raisons du recul des ventes de disques en France. Pour le quotidien, “la TVA et le piratage ne sont pas les seuls responsables de la crise profonde qui touche tout le secteur“. Et constate que la dématérialisation de la musique est en marche

Certes, il y a “piratage a tous les étages” et les CD sont jugés “trop chers pour être populaires” (l’industrie du disque et les créateurs viennent d’en appeller au Président de la République pour qu’il réduise le taux de TVA sur les disques), mais d’autres explications existent.

Côté distribution, le DVD, format très populaire, canibalise les ventes de CD, et le porte-monnaie du consommateur n’est pas extensible. Côté artistique. il manque un vrai courant porteur après le grunge, le rap et la techno.

Le rap est moins crédible (pour cause de “cynisme mercantile” et d’image “déplorable” à cause de la violence, du sexisme, et de l’homophobie dont il se fait parfois le relai) et la techno est jugée “trop abstraite pour relayer et fédérer les aspirations de son époque.” Il serait intéressant de savoir ce qu’en pense le service culture du quotidien.

Le fait le plus important soulevé par “Libération” est que l’industrie du disque , qui s’était toujours arrangée jusque là pour contrôler les innovations en matière d’enregistrement et de stockage de musique (le CD a été inventé par Philips, au moment où la firme d’Eindhoven possédiat PolyGram), soit restée trop en retrait à l’arrivée du MP3.

Inventé par Karlheinz Brandeburg, ce format de compression numérique est le caillou dans la chaussure des majors du disque : il a très vite habitué le consommateur de musique à ne plus payer la musique sur internet. Napster, puis Kazaa sont devenus des réservoir gratuits de MP3, et des logiciels facilement utilisables.

Malgré le lancement de services de téléchargements payants (“aux choix limités et à l’utlisation malaisée” selon “Libération”), l’industrie du disque n’arrive pas à s’imposer sur le Net. Ne lui reste donc plus qu’à faire la chasse aux logiciels de peer-to-peer, ou à tenter d’enrayer le gravage de CD piratés, en cryptant les albums, qui deviennent parfois illisibles sur les auto-radios ou les ordinateurs, et privent l’auditeur de son droit à la copie privée.

Le dossier de “Libération” a le mérite de mettre l’industrie du disque face à ses responsabilités. Si elle va mal, qu’elle cesse donc de culpabiliser l’amateur de musique, et qu’elle taille dans les dépenses somptuaires (cesser les écoutes de disques tous frais payés au soleil et les gadgets promotionnels pour les journalistes par exemple).

Reste que la dématérialisation de la musique est de moins en moins un scénario de science-fiction. Et plus l’on avance, plus les questions se multiplient. Par exemple : que va devenir le marché de l’occasion si l’ère de la musique en ligne arrive ?

C’est la question que pose un internaute américain : George Hotteling, rapporte la lettre d’info pro Grandlink, “a décidé de mettre le problème sur la table en vendant aux enchères sur le site eBay un titre acheté sur iTunes Music Store“. “Je voulais juste savoir si lorsque j’achète quelque chose, que ce soit un produit physique ou dématérialisé, je conserve indifféremment le droit de le revendre ?” a-t-il expliqué.

Les questions soulevées par ce geste (et le fait de savoir s’il est possible) sont encore plus nombreuses : a-t-on les mêmes droits lorsqu’on achète une oeuvre sous forme de fichier numérique ou sous forme de disque ?

On n’a donc pas fini de s’interroger sur le devenir de la musique et de la façon concrète de la vendre et de la “consommer” dans le futur.

dimanche 7 septembre 2003

Jean-Marc Grosdemouge