Patricia Kaas “Kabaret”, Casino de Paris, mercredi 21 janvier 2009

Patricia Kaas “Kabaret”, Casino de Paris, mercredi 21 janvier 2009

Le fait qu’inscrire comme statut Facebook “Je suis au Casino de Paris pour voir Patricia Kaas à 20h30” déclenche des réactions du genre “quelle horreur” ou bien “je compatis”, illustre un fait : il y a un malentendu sur la demoiselle.

C’est peut-être parce qu’elle est apparue à la fin des années 80 en même temps qu’une Liane Foly – qui, ces derniers temps, est devenue imitatrice – ou que Mylène farmer, enfermée dans un rôle de diva gothique à l’esthétique morbide, se nourrissant tel un vampire de l’admiration de ses fans sans leur rendre une once de considération (le principe “achetez mes disques, aimez-moi, mais n’approchez pas, j’ai peur, vite la sécu !”), qu’elle est trop vite classée “variété”. En réalité, celle qui connait un succès mondial rarement vu depuis Piaf, demeure ce qu’elle a toujours été : une fille de l’est, bosseuse, élégante mais simple, attachée à son public.

Après plus de vingt ans de carrière, et visiblement déliée de son contrat avec Sony, elle vend son dernier album sur Internet à un prix modique. “Je peux me le permettre” glisse-t-elle dans les interviews. Et puis, c’est la crise. Comme dans les années 30, auxquelles elle rend hommage dans son dernier spectacle, conçu par ses soins. Ce soir, le casino est déjà transformé en cabaret, des tables sont dispersées dans toute la salle et des photophores allument des petites lumières rouges un peu partout. Le lourd rideau rouge barre la scène, dont on n’aperçoit qu’un dallage blanc et noir. En tapis sonore, un extrait de l’album “As if to nothing” de Craig Armstrong. Et l’on se prend à rêver d’un tel mélange entre électronique et classicisme pour la suite de la soirée. On ne sera pas déçu car Patricia Kaas, loin d’habiller ses chansons des atours années 30, a au contraire, entrepris de relifter tout son répertoire avant d’aller promener ce Barnum élégant sur la planète entière.

Ainsi, au milieu de son groupe, assez restreint, en compagnie d’une danseuse qui est sa jumelle brune, elle assure plus d’une heure et demie d’un show dont tout est réglé au millimètre : lumières sophistiquées, tenues noires signées Lanvin, écran géant qui diffuse des images adaptées à chaque titre, et décor noir et blanc digne des hôtels Costes. De “Mon mec à moi” à “Mademoiselle chante le blues”, miss Kaas sait alterner nouveaux morceaux et anciens, comme “Je voudrais la connaître”, grand moment de sensualité. Outre les intermèdes électro destinés à danser et les images de fin, récapitulant la carrière de la frêle blonde, un peu trop dans le registre auto-célébration, on ne relève pas de fausses notes. “Kabaret” c’est l’élégance à la française que le monde entier nous envie.

Parfois, quand la scène se pare de bleu, on se croirait dans la “Tournée des grands espaces” qu’a faite Bashung après son Imprudence. Alain et Patricia, l’Alsace et la Lorraine de la chanson… à la différence que nul n’osera jamais saisir la plume pour écrire dans le courrier des lecteurs des “Inrocks” le plaisir qu’il a pu prendre dans ce “Kabaret” pas tellement décadent. De bout en bout, on rêve, on s’exalte, et l’on frissonne. Notamment sur la transition “D’Allemagne”-“Une dernière fois”- tango sur l’absence de la mère : “Chez nous l’amour ne se dit pas / c’est pour ça que je chante”. Entre les deux, un homme vient offrir une peluche à Patricia. C’est troublant quand on sait que la chanteuse affiche une silhouette qu’aucune grossesse n’est jamais venue altérer.

Don de soi au public ? Quand on a vécu à Forbach, ville ouvrière proche de la frontière allemande, et qu’on a rêvé toute sa vie de fouler les planches des plus grands music-halls du monde entier, ce n’est pas pour tricher une fois le succès venu. Voix envoûtante, jambes longues et superbes, Patricia Kaas évolue dans un écrin : elle se fait charmeuse, sensuelle, confidente. Elégante de A à Z. Jusqu’aux mains des fans qu’elle serre en fin de spectacle, à peine frôlées. De la grâce pure.

jeudi 22 janvier 2009

Jean-Marc Grosdemouge