Gotainer ramène sa phrase et baguenaude dans les mots

Gotainer ramène sa phrase et baguenaude dans les mots

Gotainer, c’est la langue en liberté, un goût des mots qui dansent entre argot et poésie, un art du rythme qui doit autant à Audiard qu’à Gotlib, des fables de La Fontaine trempées dans du rock. Accompagné par Brice Delage et sa guitare-bruiteuse, il navigue entre gouaille et tendresse, facéties et irrévérence, revisite ses tubes, perles et bijoux (le titre d’une de ses compils). Son spectacle ? Pas un concert, pas une lecture. Un truc gentiment régressif entre “La Veillée des Chaumières” et “Fluide Glacial“.

Et soudain au bout de dix minutes, l’Homme en Noir s’est levé et a dit “un chanteur qui chante pas, ça m’intéresse pas”. Richard venait d’expliquer le principe de son spectacle et d’interpréter “Le béquillard des bois” et “Maman flashe et papa flippe”. On a bien dit : interpréter, et pas chanter. Thierry et Audrey sont partis. Pas nous et on a pas regretté. On a même passé une soirée bath, super chouette avec ce confrère d’Ardisson, issu lui aussi de la pub des années 70 et 80.

On reprend depuis le début ? Lors du confinement, Richard Gotainer a commencé à dire ses textes sur les réseaux sociaux et les réactions enthousiastes qu’il a reçue l’ont poussé à en faire un spectacle. “S’il n’y avait pas eu Laurel et Hardy, les Beatles et Gotlib, ma vie aurait été bien différente” dit Gotainer, qui assure qu’il n’est pas prêt à devenir sérieux. Et ajoute que, même s’il a dépassé 70 ans, il adore de temps en temps, faire le con avec ses potes et avoir 12 ans. Gauloiserie (les “Trois vieux papis” papotent et l’un pète), grivoiseries (“Quéquette blues”), considérations écologiques (écrite en 1990, “Rupture de stock” parle de la raréfaction de l’eau), et sensualité (“O vous”, très belle chanson de la B.O. de “Rendez-Vous au tas de sable”), Gotainer est gourmand des mots, y compris argotiques (un galure c’est un chapeau) ou rares (anacoluthe, Google est ton ami).

Pour accompagner Richard, le guitariste et bruiteur Brice Delage se tient côté jardin, et agrémente le spectacle de notes et de sons, lance des rythmes à l’aide d’une pédale. Ces deux-là ont une alchimie incroyable, les mots de l’un et les sons de l’autre sont calés au quart de seconde près… et l’on constate que dans ses textes Gotainer a un vrai génie de la rythmique, en plus de raconter des histoires. Une fois le spectacle terminé, Brice Delage, fan de Gotainer depuis toujours nous a expliqué qu’il a d’abord passé une audition en 2009 pour jouer avec lui, mais à la guitare sèche, ce qui n’est pas son truc. Audition qui n’a pas débouché sur une collaboration, mais il gardait le contact par mail avec son aîné… jusqu’à ce que finalement, la collaboration débute sur ce “Gotainer ramène sa phrase”.

On a entendu les tubes (“Le Youki”, “Primitif”, “Youpi c’est l’été”, “Femmes à lunettes”), ça nous a mis un coup de pelle sur la carafe mais c’est pas grave, on s’en remettra. Alors oui ce n’etait pas un concert, ce n’etait pas une lecture de textes, c’etait entre les deux. Une forme hybride diraient ceux qui ont vocabulaire et goût du conceptuel. En pub il faudrait trouver un slogan qui résume ça. Belle des champs ? Elle baguenaude dans les pâturages. Saupiquet, c’est du plaisir à partager, et vous n’imaginez pas tout ce que Gotainer -pardon Citroën- peut faire pour vous. Gotainer ramène sa phrase ? Richard baguenaude dans les mots, la France d’Audiard père, car on a toutes et tous ses musiques en tête mais avec ce spectacle on découvre à quel point ses mots sont malins, agiles… et racontent quelque chose.

C’est un mix entre “La Veillée des Chaumières” et “Fluide Glacial”. Oui, c’est long mais je suis journaliste, pas publicitaire. Abordé à sa sortie de scène, on demande à Richard s’il est étudié dans les écoles ? Oui, ça arrive parfois, nous confie-t-il, même s’il ajoute ne pas courir après la reconnaissance. Puis il glisse que quand Michael Jackson est mort, son complice Celmar Engel lui a dit “t’as vu ce qu’il faut faire pour vendre des disques ?”. Heureusement Gotainer est en super forme, il balance ses mots avec autant de vélocité qu’un slameur from ze banlieue, agite le haut et gigote le bas comme on l’a toujours vu faire à la télé. Nous être zinzins de sa fantaisie, alors s’il passe près de chez vous, foncez le voir !

“Gotainer ramène sa phrase” jusqu’au 3 avril à l’Apollo Théâtre à Paris, puis en tournée

photo : Eric Frachon

Continuez à explorer :

Jean-Marc Grosdemouge