Aztec Camera “Stray”

En 1990, Roddy Frame s’éloigne des guitares jangle-pop de ses débuts pour embrasser une écriture plus brute et plus désabusée. Stray marque une transition : influences rock urbain, duo avec Mick Jones de The Clash, et une mélancolie sous-jacente qui teinte l’album d’une maturité inédite.
Roddy Frame a toujours été un gamin pressé. À 16 ans, il imposait déjà “High Land, Hard Rain” comme un joyau pop de l’ère post-Orange Juice, tissant des arpèges lumineux avec une grâce insolente. En 1990, “Stray” marque une mue : exit les synthés sucrés des années 80, place à une écriture plus directe, plus rugueuse, où l’ombre de “Transformer” de Lou Reed plane sur des guitares plus rêches.
L’album s’ouvre sur “Stray“, morceau éponyme qui annonce la couleur : voix plus profonde, production dépouillée, un Roddy Frame plus mature qui s’autorise à grogner plutôt qu’à susurrer. La pièce maîtresse, c’est évidemment “Good Morning Britain“, duo avec Mick Jones (The Clash, B.A.D.), une déclaration d’amour-haine à un Royaume-Uni en décomposition, portée par une rythmique motorik à la “Should I Stay or Should I Go“.
Ailleurs, “Get Outta London” joue du riff incisif façon “Loaded” du Velvet Underground, tandis que “The Gentle Kind” revisite le Roddy Frame plus lyrique d’antan, le cœur toujours serré mais la voix plus posée. “Notting Hill Blues” et “Over My Head” flirtent avec le folk urbain à la Van Morrison, preuve que Frame a troqué l’adolescence tourmentée pour un regard plus détaché, presque désabusé.
Aztec Camera n’est plus tout à fait un groupe, c’est un homme seul qui regarde le monde avec un mélange d’amertume et de mélancolie. “Stray” est un disque de transition, ni flamboyant ni raté, un disque qui refuse d’être aimable mais qui, dans sa sécheresse, révèle des éclats de génie brut.
★★★★☆
Aztec Camera “Stray” (1990, WEA)
Stray / The Crying Scene / Get Outta London / Over My Head / Good Morning Britain (feat. Mick Jones) / How It Is / The Gentle Kind / Notting Hill Blues / Song for a Friend