“Danse avec les loups” n’est pas un film sur les Indiens

“Danse avec les loups” n’est pas un film sur les Indiens
Enfin, si. Mais c’est surtout un film sur ce que signifie changer de culture, devenir autre, voir son monde basculer sans qu’on s’en rende compte.
Avant-poste ou point de bascule ?

Rappelez-vous : le lieutenant John Dunbar (Kevin Costner), après s’être distingué lors de la guerre de Sécession, est envoyé dans un avant-poste reculé à la frontière de l’Ouest sauvage, Fort Sedgewick. Il arrive seul, découvrant un poste abandonné, en ruines, et livré aux éléments. Son uniforme est impeccable et il a sa mission en tête : tenir un poste avancé sur une frontière qui n’existe que sur les cartes américaines.

Mais au fil des jours, les repères s’effacent. La solitude, le silence, la nature immense. D’abord une curiosité pour ceux qu’il devrait craindre, puis des échanges, des gestes répétés, une langue apprise par fragments. L’amitié, l’amour, la sensation d’appartenir à quelque chose de plus vaste.

Quand l’uniforme ne veut plus rien dire

Et puis vient cette scène : ses supérieurs le rejoignent et constatent qu’il porte des peintures sur le corps. Il est… devenu un Indien. C’est en se faisant engueuler par l’armée qu’il comprend qu’il a lentement basculé dans la culture des Sioux, par imprégnation. Dunbar, au départ, respecte scrupuleusement les consignes militaires : il fait l’inventaire du matériel, hisse le drapeau, écrit dans son journal. Mais peu à peu, il se rend compte qu’il n’y a personne à qui rendre des comptes. Seul avec son cheval Cisco et bientôt avec un loup curieux qu’il baptisera Chaussettes, il entre dans une autre temporalité, celle des grands espaces et du silence.

Une transformation sans retour

C’est le point de départ de sa transformation. Au lieu de voir cette solitude comme une malédiction, il l’embrasse. La cabane délabrée devient son refuge, la nature son nouvel environnement, et c’est là qu’il va, pour la première fois, entrevoir la possibilité d’un autre mode de vie – celui des Sioux Lakotas qu’il rencontrera peu après.

Quand Dunbar devient Danse avec les loups, ce n’est pas un caprice, ni une révolte contre son propre peuple. C’est un phénomène bien connu des anthropologues : l’acculturation, ce processus par lequel un individu, immergé dans une autre culture, en adopte progressivement les codes, les valeurs, la vision du monde. Ce n’est pas une simple intégration : c’est un effacement progressif de soi tel qu’on se connaissait.

Et c’est ce qui rend “Danse avec les loups” si intéressant, au-delà de la fresque des grands paysages et de la chasse au bison dans les plaines. Ce n’est pas juste une histoire d’Indiens et de Blancs. C’est l’histoire d’un homme qui, sans l’avoir cherché, devient quelqu’un d’autre. Un film sur la transformation sans retour.

Alain Cattet