Lee Hazlewood, le cowboy mélancolique

Lee Hazlewood, le cowboy mélancolique

Chanteur, compositeur, producteur, Lee Hazlewood est une énigme. Tour à tour crooner à la voix grave, arrangeur visionnaire et exilé volontaire, ce moustachu a laissé une empreinte unique sur la musique populaire.

Connus pour ses collaborations avec Nancy Sinatra (“These Boots Are Made for Walkin’“), ses albums solo méritent tout autant d’être redécouverts. Entre americana crépusculaire et orchestrations baroques, voici trois disques qui capturent l’essence de Hazlewood.

Trouble is a Lonesome Town” (1963) : le western lo-fi

Premier album solo du bonhomme, “Trouble is a Lonesome Town” est un concept-album avant l’heure. Hazlewood y invente une ville imaginaire, peuplée de personnages marginaux et de losers magnifiques. À mi-chemin entre la country et le spoken-word, il chante et raconte avec une ironie douce-amère. “Long Black Train” et “We All Make the Flowers Grow” sont des ballades sublimes, déjà imprégnées de ce mélange d’humour et de tristesse qui le rendra unique. Un album fondateur, à la fois minimaliste et visionnaire.


Cowboy in Sweden” (1970) : l’exil psychédélique

Installé en Suède à la fin des années 60, Hazlewood enregistre naturellement “Cowboy in Sweden”, un chef-d’œuvre pop-folk qui reflète son spleen d’expatrié. Plus orchestré, plus lyrique, il y mêle chansons d’amour décalées (“What’s More I Don’t Need Her“), country cosmique (“Pray Them Bars Away“) et pop vénéneuse (“Leather & Lace”). Loin des studios de Nashville, il se réinvente en troubadour psychédélique, avec un fascinant sens du décalage.


Requiem for an Almost Lady” (1971) : le testament amoureux

Hazlewood a toujours eu une relation trouble avec l’amour : cynique, désabusé, mais profondément romantique. “Requiem for an Almost Lady” est son album le plus intime, une suite de chansons déchirantes dédiées à une femme disparue. “I’ll Live Yesterdays” et “I’m Glad I Never…” sont des confessions nues, où sa voix grave résonne comme un murmure d’outre-tombe. Un disque court, brut, où Hazlewood semble s’effacer derrière ses propres regrets.


Lee Hazlewood est resté une figure culte après sa disparition. Il est adulé par les musiciens et redécouverte par chaque nouvelle génération d’auditeurs avides de trésors cachés. Sa voix grave et ses orchestrations baroques ont influencé des artistes aussi divers que Nick Cave, Jarvis Cocker ou Beck. Son travail avec Nancy Sinatra a marqué l’histoire de la pop, ouvrant la voie aux duos masculins-féminins à la tension sensuelle et dramatique.

Les labels indépendants et les amateurs de folk alternatif ont continué à explorer ses œuvres, notamment grâce aux rééditions de Light in the Attic, qui ont permis à des albums comme “Cowboy in Sweden” de retrouver une seconde vie. Son mélange unique de country, de psychédélisme et d’arrangements cinématographiques se retrouve aujourd’hui dans la musique d’artistes comme Lana Del Rey ou Timber Timbre, qui empruntent son sens du storytelling et son ambiance crépusculaire.

Hazlewood reste un songwriter à part, un poète du désenchantement, dont l’humour noir et la profondeur émotionnelle continuent d’inspirer ceux qui cherchent à raconter des histoires avec une guitare et une voix grave comme l’écho du désert.

Jean-Marc Grosdemouge