Orbital, 30 ans de techno céleste

En concert le 22 mars 2025 à l’Élysée Montmartre à Paris. Depuis plus de trois décennies, les frères Phil et Paul Hartnoll, alias Orbital, ont façonné la musique électronique avec une approche à la fois cérébrale et émotionnelle.
Nés des raves britanniques de la fin des années 80, ils ont su transcender l’éphémère pour construire une œuvre ambitieuse, entre techno hypnotique, ambient immersive et compositions cinématographiques. Retour sur quelques albums marquants du duo.

“Orbital” (1991)
Avec ce premier album, surnommé le “Green Album” pour sa pochette, Orbital capture l’essence brute de la scène rave britannique du début des années 90. Enregistré sur un magnétophone 4 pistes, il regorge de morceaux devenus des classiques du genre. “Chime“, d’abord autoproduit avant de devenir un tube des dancefloors, impose immédiatement leur style, mêlant boucles hypnotiques et mélodies lumineuses. “Midnight“, avec ses textures rêveuses, illustre leur talent pour l’ambient techno, tandis que “Belfast“, morceau hommage à la ville nord-irlandaise, dévoile une facette plus mélancolique et atmosphérique. Cet album pose les bases de leur son et s’impose comme une pierre angulaire de la techno britannique.

“Orbital 2” (1993)
Plus mature et sophistiqué que son prédécesseur, ce deuxième album, surnommé le “Brown Album”, marque une évolution vers des compositions plus complexes et immersives. “Lush 3-1” et “Lush 3-2” se répondent en un diptyque envoûtant, explorant une techno progressive aux arrangements soignés. “Halcyon + On + On“, probablement leur morceau le plus emblématique, est une relecture d’”Halcyon“, dédiée à leur mère et portée par des nappes vocales éthérées samplées d’Opus III et des The Everly Brothers. Ce titre, qui s’étire en un crescendo d’émotions, devient un classique instantané. Quant à “Remind“, il incarne la facette plus abrasive d’Orbital, avec ses percussions syncopées et son énergie brute. Cet album confirme leur statut de figures incontournables de la scène électronique britannique.

“Snivilisation” (1994)
Avec cet album, Orbital ne se contente plus d’explorer les possibilités sonores de la techno : ils y intègrent une dimension sociale et politique. L’album s’ouvre avec “Are We Here?“, une composition labyrinthique où la voix d’Alison Goldfrapp ajoute une touche organique et quasi mystique. Dans “Sad But True“, la collaboration avec Goldfrapp se poursuit sur une trame plus sombre et introspective, marquant une rupture avec l’optimisme des premiers albums. “Kein Trink Wasser“, instrumental aux textures ambient inquiétantes, évoque une dystopie sonore, tandis que “Philosophy By Numbers” joue avec des motifs mélodiques quasi mathématiques. L’album est un tournant dans leur discographie, confirmant leur désir d’expérimenter et de s’éloigner des structures conventionnelles du clubbing.

“In Sides” (1996)
Sans doute leur chef-d’œuvre, ‘In Sides‘ est un album dense et conceptuel, où Orbital mêle engagement écologique et narrations sonores épiques. ‘The Box‘, en deux parties, fascine par sa construction évolutive : d’abord minimaliste et inquiétant, il se mue en un maelström rythmique effréné. ‘Out There Somewhere?‘, également scindé en deux morceaux, joue avec des crescendos éthérés et des textures spatiales, repoussant les frontières de l’ambient techno. Avec ‘Dŵr Budr‘ (qui signifie ‘eau sale’ en gallois), Orbital fait référence à la marée noire du Sea Empress de 1996 et traduit en musique la détresse écologique de l’époque. L’album s’impose comme une œuvre maîtresse, fusionnant le cérébral et l’émotionnel avec une virtuosité rare.

“Monsters Exist” (2018)
Après une longue pause, Orbital revient en 2018 avec “Monsters Exist“, un album ancré dans les préoccupations sociopolitiques de l’époque. “P.H.U.K.“, au titre évocateur (“Please Help United Kingdom”), traduit leur inquiétude face au Brexit, avec un groove électrisant et des synthés tranchants. “There Will Come a Time“, collaboration avec le physicien Brian Cox, propose une méditation sur le futur de l’humanité, entre optimisme scientifique et inquiétude existentielle. Enfin, “Tiny Foldable Cities” oscille entre rythmes glitchés et atmosphères futuristes, prouvant qu’Orbital sait encore innover sans renier son ADN. Moins révolutionnaire que leurs chefs-d’œuvre des années 90, cet album n’en reste pas moins un témoignage de leur pertinence dans le paysage électronique contemporain.
En plus de trente ans de carrière, Orbital a su naviguer entre les époques sans jamais perdre son essence. Leur musique, à la croisée de la techno, de l’ambient et de la trance, a influencé des générations de producteurs et continue de résonner auprès des amateurs d’électronique intelligente. Qu’ils puisent leur inspiration dans les raves, la science-fiction ou les enjeux contemporains, Phil et Paul Hartnoll ont façonné une discographie aussi visionnaire qu’intemporelle. Une odyssée sonore qui, même après trois décennies, n’a rien perdu de sa puissance évocatrice.
Infos et réservations : www.aegpresents.fr/event/orbital