Rich Ruth “I Survived, It’s Over”
Un album comme une méditation sonore : Rich Ruth transforme son trauma, ses peurs et ses tempêtes intérieures en musique organique, flottante et puissante. “I Survived, It’s Over” est une exploration de la guérison, magnifique et tendre, qui réconcilie les cieux et la terre.
Rich Ruth alias Michael Ruth signe un disque à la fois intime et vaste. Conçu dans le chaos de Nashville frappé par des tornades et le confinement de 2020, l’album naît du besoin de “sculpter quelque chose de significatif” à partir de la peur, de la perte et de l’incertitude. Dès l’ouverture, “Taken Back”, la musique s’impose comme une méditation : sitar, synthés, basses et batterie progressive composent des textures denses et planantes, comme un ciel orageux se dissipant lentement pour laisser place à la lumière. La richesse de la production – vents, cordes, guitares – est un premier point fort, conférant à chaque piste une profondeur rare et une sensation d’espace qui enveloppe l’auditeur.
Sur “Older But Not Less Confused”, la finesse du mix de John McEntire (Tortoise, Stereolab) met en avant la précision des instruments tout en laissant respirer l’album. On entend le souffle des vents et la délicatesse des synthés, ce qui crée un équilibre fascinant entre tension et apaisement. L’album excelle à transformer la douleur en musique sans jamais tomber dans le pathos : les morceaux comme “Desensitization and Reprocessing” s’inspirent directement de séances d’EMDR, offrant une immersion sensorielle dans la confrontation avec le trauma. Cette approche émotionnelle intense peut toutefois représenter une limite pour certains auditeurs : l’atmosphère contemplative demande concentration et disponibilité, elle n’est pas conçue pour être un fond sonore léger.
“Heavy and Earthbound” illustre la dimension physique et terrestre de l’album. Les guitares rustiques, les cordes et les percussions évoquent le poids du vécu et de la survie. La densité sonore peut surprendre et sembler parfois laborieuse, mais elle renforce le propos, donnant à chaque note le poids de l’expérience humaine. Les pistes finales, “Angel Slide” et “Doxology”, introduisent une douceur presque spirituelle, rappelant que le but de Ruth n’est pas de refermer ses blessures mais de les réinvestir en beauté et en son. Cette capacité à transformer la vulnérabilité en puissance musicale constitue un autre point fort indéniable de l’album.
Au fil de l’écoute, “I Survived, It’s Over” se révèle être une méditation sonore sur la guérison, la résilience et l’acceptation. La cohérence émotionnelle de l’ensemble, l’intensité de chaque composition et la richesse de la palette sonore en font une œuvre captivante. L’album montre qu’il est possible de canaliser la peur et la douleur en une expérience esthétique puissante et apaisante, un voyage intérieur qui touche autant qu’il transporte.
★★★★☆
“I Survived, It’s Over” (Third Man Records), 2022
