Joy Division, beauté froide et tourments éternels
Manchester, 1976. Entre les usines qui crachent leur grisaille et la fureur punk qui explose, quatre jeunes gars montent un groupe. Ils s’appellent Warsaw d’abord, puis prennent un nom plus ambigu, plus marquant : Joy Division. Un nom qui claque et qui dérange, inspiré des bordels de l’Allemagne nazie où les prisonnières étaient réduites en esclavage sexuel. Déjà, la marque d’un groupe qui veut mettre l’histoire et la douleur en musique.
Si la new wave a souvent rimé avec futilité, Joy Division y a injecté l’abîme et la sincérité. Le groupe mené par Ian Curtis et soutenu par Bernard Sumner, Peter Hook et Stephen Morris n’a sorti que deux albums avant que Curtis ne se donne la mort en mai 1980. Deux albums qui auront suffi à redéfinir la musique moderne.

“Unknown Pleasures” (1979) : les ténèbres organisées
Si la new wave a souvent rimé avec futilité, Joy Division y a injecté l’abîme et la sincérité. Le groupe mené par Ian Curtis et soutenu par Bernard Sumner, Peter Hook et Stephen Morris n’a sorti que deux albums avant que Curtis ne se donne la mort en mai 1980. Deux albums qui auront suffi à redéfinir la musique moderne. Sorti sur le label Factory Records, ce premier album est produit par Martin Hannett, génie parano dont les textures sonores donnent au groupe sa signature glaciale. Unknown Pleasures ne ressemble à rien d’autre à l’époque. Pas de punk ici, mais une tension sourde, un post-punk minimaliste et spectral. La basse de Peter Hook serpente en contrepoint, les guitares de Sumner crissent, et la batterie métronomique de Morris martèle une angoisse clinique. Ian Curtis, voix caverneuse et diction de crooner, chante la désolation, le désir et l’effondrement. “Disorder”, “She’s Lost Control”, “Shadowplay”, autant de morceaux qui transforment le mal-être en hymnes. Quant à la pochette mythique – ces ondes pulsar – elle devient l’un des visuels les plus iconiques du rock.

“Closer” (1980) : élégie funèbre
Si “Unknown Pleasures” ouvrait la brèche, “Closer” est l’ultime plongée dans la tragédie. Ian Curtis est épuisé, piégé entre son mariage en ruine et son amour impossible pour une autre femme. Son épilepsie empire, ses crises se multiplient sur scène. La musique, elle, devient encore plus glaciale, plus funèbre. “Atrocement beau”, c’est ainsi que l’album est souvent décrit. “Isolation”, “Heart and Soul”, “Decades”, autant de titres où Joy Division prend une dimension quasi religieuse. Les synthés s’invitent, annonçant déjà la métamorphose future du groupe en New Order. Le 18 mai 1980, à la veille de la première tournée américaine du groupe, Ian Curtis se pend dans sa cuisine. Il laisse derrière lui une légende inachevée.
Héritage et postérité
Joy Division n’aura eu qu’une brève existence, mais son impact est colossal. The Cure, Interpol, Editors, The National, tous doivent quelque chose à Curtis et sa bande. Les survivants forment New Order, qui troque les ténèbres contre une musique plus électronique et hédoniste, mais qui portera toujours l’ombre du fantôme de Joy Division. Quarante ans après, “Unknown Pleasures” et “Closer” sont des albums incontournables, de ceux qui hantent à jamais. Joy Division, c’était la beauté du désespoir. Et ça, ça ne vieillit jamais.
