Roy Ayers, le groove éternel

Le monde de la musique vient de perdre un de ses plus grands architectes du groove. Roy Ayers, vibraphoniste génial, compositeur hors pair et véritable pionnier du jazz-funk, s’est éteint à l’âge de 84 ans. Son nom évoque immédiatement une chaleur, une sensualité et une fluidité qui ont traversé les décennies, influençant le hip-hop, la house et le neo-soul. De la soul envoûtante d’Everybody Loves the Sunshine aux productions cinématographiques du blaxploitation, Roy Ayers a laissé une empreinte indélébile. Retour sur cinq albums essentiels d’un artiste à la discographie tentaculaire.

“Everybody Loves the Sunshine” (1976)
L’album qui définit à lui seul la signature sonore de Roy Ayers. Sorti en plein âge d’or du jazz-funk, il capture cette atmosphère insouciante et solaire qui a fait sa renommée. Le morceau-titre, avec son groove hypnotique et ses chœurs éthérés, est devenu un classique intemporel, samplé par Mary J. Blige, Common ou encore Mos Def. Mais au-delà de ce hit légendaire, l’album regorge de pépites comme “The Third Eye“, “It Ain’t Your Sign, It’s Your Mind” ou “People and the World“, où le vibraphone d’Ayers s’entrelace avec des basses funky et des nappes de claviers en apesanteur. Un chef-d’œuvre absolu.

“Coffy” (1973)
Roy Ayers au sommet du groove cinématographique. Lorsqu’il compose la bande-son du film Coffy, joyau du blaxploitation avec Pam Grier en justicière badass, Ayers transcende le genre et offre une BO à la fois moite, musclée et sensuelle. Coffy Is the Color et Aragon vibrent de cette énergie brute typique du funk des années 70, tandis que des morceaux comme King George et Exotic Dance baignent dans une atmosphère jazzy et nocturne. Cette incursion dans la musique de film prouve la versatilité d’Ayers, qui réussit à combiner tension dramatique et groove irrésistible.

“Vibrations” (1976)
Moins cité que “Everybody Loves the Sunshine“, cet album n’en reste pas moins essentiel. Il marque une évolution dans le son d’Ayers, avec une approche plus soul et une production qui flirte avec le disco. Searching, avec ses harmonies vocales et son tempo alangui, incarne parfaitement ce mélange de douceur et de groove. “Domelo (Give It Up)” est un condensé de funk jubilatoire, tandis que “Baby You Give Me a Feeling” anticipe déjà certains sons du R&B moderne. Loin d’être une simple répétition de formules, “Vibrations” explore de nouvelles textures et montre un Ayers toujours en quête d’évolution.

“Mystic Voyage” (1975)
Un album qui porte bien son nom. Avec “Mystic Voyage“, Roy Ayers nous embarque dans un trip hypnotique où se mêlent influences jazz, soul et funk, avec un soupçon de spiritualité. Le titre “Mystic Voyage” est une ode à l’évasion, porté par des arrangements aériens et une section rythmique souple et organique. “A Wee Bit” et “Evolution” accentuent encore plus cette dimension mystique, avec des montées instrumentales quasi-méditatives. Le disque s’autorise aussi des incursions plus dansantes (“Funky Motion“) et sensuelles (The Black Five), confirmant la richesse du spectre sonore d’Ayers.

“Lifeline” (1977)
Le titre “Running Away” reste un classique du dancefloor, avec ses lignes de basse bondissantes et ses cuivres éclatants. “Lifeline” voit Ayers embrasser pleinement la vague disco sans renier ses racines jazz-funk. L’album est un équilibre parfait entre sophistication et immédiateté, prouvant une fois de plus sa capacité à évoluer avec son époque. De “Sanctified Feeling” à “This Side of Sunshine“, chaque titre est ciselé avec un soin du détail qui fait la marque des grands artisans du groove. Un disque essentiel pour comprendre comment Roy Ayers a influencé la musique électronique et le hip-hop des années suivantes.
Roy Ayers n’a jamais été une star au sens commercial du terme, mais son influence est partout. Son art du sampling en a fait l’un des musiciens les plus repris du hip-hop, de Tupac à A Tribe Called Quest en passant par Madlib. Son jeu de vibraphone, toujours chantant et percussif, reste une référence absolue dans le jazz et la soul. Et au-delà des genres, c’est un esprit libre, un passeur de groove qui nous quitte, mais dont la musique restera éternelle. Un maestro du funk s’en va, mais le soleil continue de briller sur son héritage.