Sharp Pins, pop de poche

“Balloon Balloon Balloon” : derrière ce titre presque enfantin, le trio américain poursuit sa veine jangle-pop artisanale, quelque part entre l’exubérance des Byrds période “Mr. Tambourine Man” et la rudesse très home-made d’un Guided by Voices des années Matador.

L’album s’ouvre sur “Popafangout“, une miniature ensoleillée qui annonce la couleur : riffs de guitares en arpèges, reverb sèche, mélodies serrées. Tout au long du disque, Sharp Pins jongle avec la pop de poche, ces chansons courtes -rarement plus de deux minutes, qui semblent écrites dans l’urgence, puis enregistrées dans un coin de salon. Le charme n’est jamais dans la perfection : la production conserve son grain rugueux, ses frottements, son hum de fond, héritage revendiqué de la culture lo-fi. La structure du disque est ponctuée de trois interludes (“Balloon 1“,”2“, “3“) qui fonctionnent comme de petites pauses respiratoires, confirmant cette volonté de Sharp Pins de segmenter l’écoute en paliers, presque comme une bande-son de journal intime éclaté.

Modestie assumée

On croise sur la route des titres à la sincérité désarmante : “I Don’t Have the Heart“, petite coulée de mélancolie, ou “I Could Find Out” »”, qui rappelle certaines ballades feutrées de The Clean. “(I Wanna) Be Your Girl” joue quant à lui la carte de la pop la plus nue, dans une veine quasi twee, où le refrain se répète comme une évidence. La modestie du geste est frappante, et assumée. À l’heure où la pop 2025 multiplie les couches, les productions maximalistes et les plugins omniprésents, Sharp Pins opte pour le retour au minimum vital : guitare, voix, boîte à rythmes pas toujours stable, et une poignée d’accords tenus serrés. Le groupe ne cherche pas l’ampleur, juste la justesse et c’est déjà pas si mal. Voici disque pop qui ne rougit pas de sa fragilité, et qui revendique son économie de moyens comme une esthétique.

“Balloon Balloon Balloon” porte bien son nom : un disque léger en apparence, mais dont les ombres, discrètes, ténues, affleurent dès qu’on s’attarde. Une bulle, oui, mais une bulle qui persiste, qui refuse d’éclater. Un geste humble dans une époque boursouflée.

★★★☆☆

Sharp Pins “Balloon Balloon Balloon” (Perennial, Bandcamp), 2025