Bertrand Burgalat, l’orfèvre pop

Producteur, compositeur, arrangeur, chanteur, patron du label Tricatel, et un peu musicien des musiciens, Bertrand Burgalat incarne depuis les années 90 une certaine idée de la pop à la française : érudite mais accessible, référencée sans être passéiste, sophistiquée mais jamais prétentieuse.
Son amour pour les orchestrations luxuriantes, les basses rondes et les rythmiques hypnotiques s’est révélé aussi bien dans ses propres albums que dans ses collaborations avec April March, Michel Houellebecq, Valérie Lemercier, Alain Chamfort ou Laibach (!).
Ses albums, parfois éclipsés par son travail de producteur, méritent pourtant qu’on s’y attarde : il y exprime un dandysme à la fois suave et décalé, une science du groove minimaliste et un sens mélodique imparable. Voici cinq albums pour saisir l’univers Burgalat.

“The Sssound of Mmmusic” (2000)
Premier album solo après des années à œuvrer dans l’ombre, “The Sssound of Mmmusic” est un manifeste de pop orchestrale teintée d’électronique. On y croise des mélodies sucrées comme “Gris Métal“, des instrumentaux cinématographiques (“Kim“), et des grooves irrésistibles (“Aux Cyclades électronique“). Burgalat y impose son timbre détaché et nonchalant, avec un second degré tout en subtilité.

“Portrait-robot” (2005)
Album plus introspectif et feutré, “Portrait-robot” dévoile une facette plus mélancolique de Burgalat. Ses influences y sont toujours aussi larges (pop baroque, krautrock, chanson française, easy listening), mais le ton se fait plus grave, notamment sur “Ma rencontre“, coécrit avec Michel Houellebecq, et le superbe “Je suis au paradis“. Un disque qui révèle un chanteur à part entière.

“Toutes Directions” (2012)
Dès l’introduction instrumentale, hommage discret à Michel Magne, l’album s’engage sur une route élégante où les pop songs sophistiquées s’enchaînent avec fluidité. Porté par une production vintage taillée dans l’épure et l’élégance, “Toutes Directions” distille une mélancolie feutrée, entre légèreté apparente (“Bardot’s Dance“, paroles d’Hélène Pince) et tonalités plus graves (“Sous les colombes de granit“). Nostalgique sans être passéiste, Burgalat y fait dialoguer ses synthés rétro et son goût pour la pop orchestrale, laissant flotter sa voix détachée comme un commentaire ironique sur le monde.

“Les choses qu’on ne peut dire à personne” (2017)
Peut-être son disque le plus personnel, où il met en avant une écriture plus intime, entre désillusion et élégance. “Pas dormir” et “Étranges nuages” montrent une profondeur qu’on ne lui soupçonnait pas forcément, tandis que la production reste toujours aussi ciselée. Un album qui gagne en puissance à chaque écoute.

“Rêve capital” (2021)
Dernière pièce en date de son puzzle musical, “Rêve capital” mêle groove synthétique et orchestrations raffinées avec une patine plus politique et engagée. Burgalat y évoque l’époque avec lucidité et une pointe de nostalgie, dans des morceaux comme “Le bonheur catastrophes” et “Des vagues et des regrets“. Un album en forme de synthèse, où il continue de creuser son sillon avec une élégance rare. Pas de doute “L’Homme idéal“, c’est lui.
Infatigable artisan du son, Bertrand Burgalat continue d’explorer la musique à contre-courant des modes, restant fidèle à son goût pour les arrangements sophistiqués et les productions léchées. À travers son label Tricatel, il a soutenu des artistes aussi variés que Chassol, Valérie Lemercier, AS Dragon, et ressorti des pépites signées André Popp ou David Whitaker. Il est aujourd’hui une figure incontournable de la pop française exigeante, avec une discographie à (re)découvrir absolument.