Leçon 6 – “Aftermath” : comment renaître de ses cendres

Sorti en 1995, “Maxinquaye” de Tricky s’est imposé comme une œuvre essentielle, redéfinissant les contours du trip-hop et de la musique alternative. Parmi les morceaux clés de l’album, “Aftermath” se distingue par son intensité émotionnelle et sa production minimaliste mais novatrice. Retour sur un titre devenu emblématique.
Un exorcisme personnel
“Aftermath” n’est pas simplement une chanson, mais un exorcisme sonore. Tricky a expliqué dans une interview pour “The Guardian” en 2019 que cette chanson était avant tout “pour moi-même, un moyen de traiter ce que je ressentais” suite à la perte de sa mère, Maxine Quaye, qu’il a tragiquement perdue lorsqu’il était adolescent. La chanson devient ainsi un exutoire émotionnel, une manière de se confronter à la douleur du deuil, tout en capturant l’essence même de ses tourments intérieurs.
Une production marquante, minimaliste et dense
La magie de “Aftermath” réside aussi dans sa production. L’ingénieur du son Mark Saunders, déjà familier des productions audacieuses, est crédité pour sa contribution. Dans une interview pour “Sound On Sound“, il a décrit son approche comme étant celle de “créer un son dense tout en maintenant un espace minimaliste”. Son utilisation de l’espace, entre les basses profondes et les sonorités aériennes, a permis de renforcer l’atmosphère sombre et intimiste du morceau.
Le sample du morceau est un autre élément marquant. Tricky a puisé dans le classique reggae “Man Next Door” de John Holt, un choix qui ancre “Aftermath” dans une tradition musicale tout en lui apportant une texture contemporaine. Ce sample vient accentuer la mélancolie du morceau, tout en apportant un côté à la fois chaleureux et troublant, en décalage avec l’atmosphère tendue du morceau.
L’irruption de Martina Topley-Bird
Un des éléments les plus frappants de “Aftermath” est la présence vocale de Martina Topley-Bird, dont la voix éthérée et bouleversante se fait écho de la tourmente de Tricky. Leur rencontre fut le fruit du hasard, comme le raconte Tricky dans une interview pour “Rolling Stone” en 1995 : “Elle chantait près de chez moi, et c’est là que j’ai su qu’elle serait parfaite pour mon projet.” Cette rencontre fortuite marqua le début d’une collaboration fructueuse qui allait donner naissance à l’une des voix les plus iconiques du trip-hop.
Une critique unanime : l’acte fondateur d’un genre
À sa sortie, “Aftermath” fut salué par la presse musicale pour sa singularité. Le “NME” le décrivit même comme “l’acte fondateur d’un genre”, soulignant la capacité de Tricky à fusionner des influences variées pour créer une sonorité inédite. Cette reconnaissance préfigurait l’impact durable de “Maxinquaye” sur la scène musicale des années 90 et au-delà. En effet, plusieurs critiques, notamment dans “Melody Maker” et The Face, s’accordaient à dire que “Aftermath” possédait une atmosphère oppressante et avant-gardiste, un reflet parfait de l’ère de transition de l’époque.
Aujourd’hui, “Aftermath” demeure un morceau emblématique du trip-hop et un exemple parfait de l’art de Tricky, qui a su allier introspection personnelle et expérimentation sonore. Son influence sur la musique alternative et électronique se fait encore sentir, confirmant que ce titre, tout comme Maxinquaye dans son ensemble, n’a pas pris une ride.