Sting, l’élégance pop en quête d’absolu

À la fin des années 70, le punk explose, mais lui arrive par la porte arrière, élégant et déjà trop raffiné pour le chaos. Avec The Police, il impose un son hybride, tendu et dansant, où le reggae s’invite dans le rock, où la basse groove sous une voix haut perchée.
Quand le trio implose, Sting ne regarde pas en arrière. Il reste chez A&M mais se réinvente en solo, explorant le jazz, les musiques du monde, la pop sophistiquée. Chanteur, bassiste, acteur, activiste, il est tout ça à la fois, avec une classe froide et un perfectionnisme d’orfèvre.

“The Dream of the Blue Turtles” (1985) : nouveau départ jazzy
L’heure est venue de prouver qu’il peut exister sans The Police. Exit les rythmiques nerveuses de Copeland, place à un groupe de jazzmen d’élite, issus de la scène fusion new-yorkaise. “If You Love Somebody Set Them Free” envoie valser la possessivité avec un groove en apesanteur, façon de se faire pardonner d’avoir écrit “Every breath you take” (sous entendu : je te suivrai partout où que tu ailles, ma jolie). “Russians” prend une tournure plus grave, ballade glaciale en pleine guerre froide. Le disque est sophistiqué, parfois trop carré, mais ça ne pose aucun pronlème aux hit parades, et il installe Sting en maître d’une pop cérébrale et ambitieuse.

“…Nothing Like the Sun “(1987) : la pop adulte
Deux ans plus tard, il affine sa formule. “Fragile” et sa guitare espagnole sont d’une beauté épurée, “Englishman in New York” un hymne à l’excentricité, où le jazz et la pop se croisent avec une aisance rare. “They Dance Alone” vibre du drame chilien, tandis que “Be Still My Beating Heart” évoque les ombres de la solitude. Sting devient le prototype du songwriter mature, sophistiqué, un brin distant.

“The Soul Cages” (1991) : un album de deuil
C’est son disque le plus personnel, marqué par la mort de son père. Loin de la sophistication jazz de ses débuts solos, Sting se livre ici à une introspection sombre et mélancolique. “All This Time” feint l’insouciance sur un rythme sautillant, mais la douleur affleure dans chaque mot. “Why Should I Cry for You?”, “The wild wild sea” et “The Soul Cages” plongent en eaux profondes, entre spleen maritime et quête de rédemption. Moins accessible, plus torturé, l’album déroute certains, mais il est l’un des plus sincères de sa carrière.

“Ten Summoner’s Tales” (1993) : l’album parfait
Dans les années 90, Sting touche à l’équilibre parfait entre ambition et accessibilité. “Fields of Gold” est une ballade intemporelle, “Shape of my heart” un bijou acoustique repris à l’infini. Il a délaissé l’intellectualisme froid pour une écriture plus directe, plus sensible. L’album est un triomphe, celui d’un artiste au sommet de son art. “Seven Days” est bâtie sur un rythme complexe mais quand on a Vinnie Colaiuta derrière les fûts, ce n’est pas pour jouer binaire.
Après ça, Sting chante avec Gims ou Mami, alterne entre relectures de son répertoire, albums inégaux et escapades classiques (il joue du John Dowland sur “Songs from the labytinth”). Il reste une figure incontournable, un artisan méticuleux qui a su traverser les décennies sans jamais sombrer dans l’opportunisme. Son élégance et sa voix cristalline continuent de résonner, éternel “Englishman in”… the world.
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