SZA “SOS”

Thérapie de choc et uppercuts émotionnels : avec “SOS“, SZA ne chante pas, elle s’ouvre en deux. Entre rancœurs acides, doutes abyssaux et éclairs d’arrogance divine, elle transforme chaque track en séance d’introspection musclée. Un album-monde où le R&B croise la trap, le rock et la confession brute, sans jamais choisir entre vulnérabilité et puissance.
SZA a transformé le monologue intérieur en art. Une capacité à cristalliser l’intime, à rendre l’obsession universelle et les angoisses aussi suaves qu’une boucle de guitare R&B. Après l’onde de choc “CTRL“, elle revient avec “SOS“, un album-monde où se percutent ballades déchirantes, explosions rageuses et refrains aussi entêtants que toxiques. Elle doute, elle saigne, elle brille.
Gloved up, in the ring, ready for the belt
Dès l’ouverture avec “SOS“, SZA balance un message clair : c’est une guerrière, malgré la peur et les fantômes. L’album démarre sur un sample gospel de 1976 et une transmission morse – un appel à l’aide ? Plutôt une déclaration de combat. Sur le ring de l’amour et de l’ego, elle encaisse, rend les coups, et parfois, met KO. Le disque est un mille-feuille émotionnel où la contradiction est reine. SZA est la bad bitch ultime sur “Low“, une meurtrière fantasmée sur “Kill Bill“, et la plus vulnérable des ex sur “Nobody Gets Me“. Chaque morceau creuse un sillon différent : “I Hate U” est une masterclass passive-agressive, “F2F” lorgne du côté pop-punk façon Avril Lavigne, tandis que “Ghost in the Machine“, en featuring avec Phoebe Bridgers, évoque l’aliénation numérique sur une prod glitchy.
Fuck les genres, seul compte le ressenti
Dans “SOS“, SZA balaie d’un revers de main les codes du R&B traditionnel. Elle rappe avec insolence sur “Smoking on my Ex Pack“, s’essaie au country sur “F2F“, frôle le gospel sur “Gone Girl“, et injecte une nostalgie 80s à la Janet Jackson dans “Too Late“. Un manifeste anti-formatage, où le fond dicte la forme. Mais c’est dans la confession qu’elle brille le plus. “Snooze“, produit par Babyface, capture la langueur amoureuse avec une candeur désarmante. “Special“, en revanche, touche un point plus douloureux : l’insécurité physique et émotionnelle, ce besoin de validation qui pousse à se transformer pour plaire.
“Give a fuck what you prefer“
L’album se clôt sur “Forgiveless“, où elle sample Ol’ Dirty Bastard, histoire de rappeler qu’elle est trop profonde pour débattre avec des losers. Ce n’est pas un hasard si “SOS” a squatté la première place du Billboard 200 pendant 10 semaines : c’est une catharsis, un exutoire sonore où SZA se libère en direct.
Avec “SOS“, elle montre qu’elle est tout à la fois : amoureuse, toxique, blessée, arrogante, paumée, géniale. Un disque à écouter comme on scrolle ses pensées à 3h du mat’ : compulsivement, sans filtre, sans échappatoire.
★★★★☆
SZA “SOS” (2023, Top Dawg Entertainment / RCA Records), disponible sur les plateformes d’écoute
SOS / Kill Bill / Seek & Destroy / Low / Love Language / Blind / Used / Snooze / Notice Me / Gone Girl / Smoking on my Ex Pack / Ghost in the Machine / F2F / Nobody Gets Me / Conceited / Special / Too Late / Far / Shirt / Open Arms / I Hate U / Good Days / Forgiveless