Macron, l’arc républicain et le danger des exclusions
Dans un climat politique tendu et alors qu’il consulte pour nommer au plus vite un nouveau Premier ministre après la censure du gouvernement Barnier, le président de la République Emmanuel Macron a surpris en décidant de consulter tous les partis politiques, à l’exception de deux.
Il a effet décidé de mettre de côté Rassemblement National (RN) et La France Insoumise (LFI). Bien que Macron ait le droit, sur le plan légal, de choisir avec qui il souhaite dialoguer, cette exclusion des deux partis risque d’avoir des conséquences politiques profondes. Et quel que soit le Premier Ministre qui sera annoncé, cela soulève d’ores et déjà des interrogations sur sa gestion de la pluralité démocratique et les frontières de l’arc républicain.
Une exclusion doublement problématique
Placer sur un pied d’égalité le RN et LFI est choquant. D’un côté, le RN, héritier du Front National, traîne un héritage historique lourd, marqué par des figures controversées issues de l’extrême droite européenne. De l’autre, LFI, mouvement de gauche radicale, peut certes être bruyant et clivant, mais s’inscrit pleinement dans le cadre démocratique. Cette mise en équivalence, outre son caractère injuste, alimente la rhétorique de victimisation des deux camps, qui y voient la confirmation d’un “système” cherchant à étouffer leurs voix.
Si l’on peut discuter de l’héritage du RN et de son évolution, le réduire à une posture infréquentable risque de le transformer en un acteur antisystème encore plus attractif pour ses électeurs. Quant à LFI, l’exclure d’un débat républicain nuit à la représentation d’une partie des classes populaires qui s’identifient aux luttes sociales et écologiques qu’il porte. Et c’est oublier que le NFP est arrivé en tête : consulter les partis de gauche sauf LFI, c’est tenter de briser cette alliance historique, jamais vue depuis 1936
L’exclusion comme stratégie : un précédent historique
Sans établir de parallèle direct, l’histoire offre un exemple frappant des dangers de l’exclusion. Dans l’Allemagne des années 1930, Adolf Hitler a utilisé l’incendie du Reichstag comme prétexte pour interdire le Parti communiste allemand (KPD), son principal adversaire politique. Ce geste, justifié par une prétendue menace à la sécurité nationale, a marqué une étape décisive vers l’installation d’un régime totalitaire.
Bien sûr, les contextes sont radicalement différents : la France reste une démocratie solide, où les partis exclus peuvent continuer à siéger et à s’exprimer librement. Cependant, cette exclusion symbolique interroge : une démocratie n’est-elle pas plus forte lorsqu’elle affronte ses opposants dans l’arène politique, plutôt que de les marginaliser ?
Faire face, plutôt qu’éclipser
Concernant le RN, il faut continuer sans cesse à rappeler constamment son héritage problématique, sa xénophonie et les contradictions de ses propositions politiques, plutôt que de le transformer en victime. Le RN n’est pas interdit et il n’est pas non plus interdit de rappeler qu’il est hériter d’un parti de miliciens, de Waffen SS. Mieux : on doit le dire. Rappeler que Jean-Marie Le Pen a eu des propos racistes et révisionnistes, et que Brahim Bouaraam n’est pas mort parce que “pas de chance”.
Quant à LFI, dont l’histoire montre qu’elle est pleinement républicaine, son exclusion fragilise considérablement le débat démocratique, car elle prive l’opposition de gauche d’un espace de dialogue essentiel. En agissant ainsi, Emmanuel Macron prend le risque d’alimenter la défiance envers les institutions et de polariser davantage le paysage politique. Une démocratie forte ne se construit pas en rétrécissant l’arc républicain, mais en confrontant toutes les voix dans un cadre transparent et rigoureux.
En nommant Michel Barnier à Matignon, Macron a réussi à faire oublier à une partie des Français, biberonnée aux médias des milliardaires, que le NFP a gagné début juillet, que Lucie Castets était proposée par le NFP pour diriger le gouverment. L’effacement de Castets n’est pas un effacement legal, mais médiatique. Cela ne le rend pas moins grave.
Or l’histoire nous rappelle que les exclusions et marginalisations politiques, même symboliques, peuvent affaiblir les fondations d’une démocratie. Face à des défis sociaux et environnementaux pressants, la France a besoin d’un débat public où les idées, même discordantes, se heurtent et se confrontent. C’est en élevant le niveau du débat, et non en limitant ses participants, que la démocratie prospère. Faut de quoi c’est un régime de plus en plus illibéral qui risque de fleurir…