Lithium, l’énergie musicale qui alimentait l’indie français

Lithium, l’énergie musicale qui alimentait l’indie français

Label d’artisans, où chaque sortie était une proposition forte, une vision, Lithium a su marquer les esprits sans jamais céder aux sirènes commerciales. La structure n’existe plus, mais son ombre bienfaisante plane encore sur la musique française.

Si Sub Pop a façonné le grunge américain, la France, elle, a trouvé son label indépendant culte avec Lithium. Né au début des années 90 sous l’impulsion de Vincent Chauvier, Lithium a accompagné les 90’s avec un flair unique, dénichant des artistes aussi fragiles qu’intenses, à mi-chemin entre folk lo-fi et songwriting en clair-obscur. Da Capo, Perio, Dominique A, Françoiz Breut, Diabologum, Holden… Tous ont trouvé refuge dans cette maison d’édition qui a donné à la chanson française une nouvelle teinte, plus indie, plus brute, plus moderne. Sélection de cinq albums essentiels.


Dominique A “La Fossette” (1992)

Un disque fondateur. À une époque où la chanson française tourne encore autour de la variété et du rock FM, Dominique A sort “La Fossette”, un album artisanal enregistré sur un simple 4-pistes. Ce fils de prof né à Provins et installé à Nantes dynamite les codes. Des textes ciselés, une voix hypnotique, une production minimaliste : “La Fossette” invente une nouvelle chanson française, intime et affranchie des carcans habituels. Sur France Inter, Bernard Lenoir est sous le charme, tous les jeunes gens en mal de musique à eux aussi, et la chanson française ne sera plus jamais la même après ça.


Diabologum “#3” (1996)

Fusion entre spoken word, noise-rock et expérimentations sonores, “#3” reste l’un des disques les plus radicaux des années 90 en France. Et font jeu égal avec les Bordelais de Noir Désir, couvés, eux, par la major Barclay. Porté par le titre “Il faut”, mantra implacable scandé sur des guitares abrasives, l’album fait figure d’ovni dans le paysage musical. Toujours aussi moderne, toujours aussi percutant.


Mendelson “L’avenir est devant” (1997)

La mélancolie lourde et le spleen distordu. Mendelson, c’est la noirceur française dans ce qu’elle a de plus frontal. Ce premier album impose la patte du groupe : des compos dépouillés, des textes qui tranchent dans le vif, un spleen qui colle aux basque de ces morceaux-fleuves où la musique semble suspendue. Sur “Combs la ville“, ils osent même filer le train à Duras (“Tu n’as rien vu à Hiroshima” devient “tu n’as rien vu à Combs-la-Ville).


Françoiz Breut “Françoiz Breut” (1997)

Elle avait commencé comme muse de Dominique A et l’accompagnait comme choriste. Très vite la Cherbourgeoise saisit l’occasion de s’affirmer en solo avec cet album lumineux et mélancolique, sur lequel… c’est parfois Dominique A qui faut les coeurs. Son folk élégant et vaporeux, porté par des textes imagés et une voix délicate, a marqué une génération.


Experience Aujourd’hui, maintenant” (2001)

Après Diabologum, le Toulousain Michel Cloup poursuit l’aventure avec Expérience, projet plus rock mais tout aussi intense. “Aujourd’hui, maintenant” est un coup de boule contre l’ennui, un album nerveux où les guitares grincent, cognent et où les paroles assènent des coups de poings.


Même si Lithium a cessé ses activités au début des années 2000, son influence continue de se faire sentir dans la scène indie française. Dominique A et Françoiz Breut ont poursuivi leur carrière avec succès, tandis que l’esprit DIY et l’exigence artistique du label ont inspiré une nouvelle génération d’artistes et de labels indépendants. De La Souterraine à Talitres, en passant par Microcultures, on retrouve aujourd’hui des labels qui perpétuent cette vision d’une musique indépendante, exigeante et audacieuse.

Jean-Marc Grosdemouge