Richard Gotainer, le grand chambellan du délire pop

Richard Gotainer ramène sa phrase : c’est la promesse de son nouveau spectacle, dans lequel ce joyeux hurluberlu fait vivre ses textes sur scène avec son complice Brice Delage. L’occasion pour nous de jeter un coup d’oeil dans le rétro.
Si la pop française des années 80 avait un trublion officiel, un fou du roi déguisé en chef d’orchestre, c’était bien Richard Gotainer. Quand les quinquas balancent “Le Sampa” dans une fête, tout le monde se lève pour danser ! Dandy potache, poète de la réclame et génie du verbe décalé, Gotainer a imposé son univers unique, à mi-chemin entre le cabaret dadaïste et le rock déjanté. Un parcours aussi foutraque que brillant, où chaque album est une fête.

“Chants Zazous” (1982) : Gotainer fait son cirque
Avec “Chants Zazous“, Gotainer atteint son premier sommet et impose une marque de fabrique qui ne le quittera plus. L’album est un carnaval sonore où se croisent rock, funk et musique populaire, le tout saupoudré d’une écriture toujours aussi ludique et inventive. L’intro fracassante du “Mambo du Décalco” donne immédiatement le ton : rythmé, barré et imparable. La Ballade de l’Obsédé joue avec un groove langoureux et des paroles délicieusement ambiguës. “Zazou” rend hommage à la jeunesse excentrique et insoumise du même nom, tandis que “Trois Vieux Papis” propose un moment de nostalgie ironique et poétique. Mais la pièce maîtresse reste sans doute Les Quatre Saisons, une mini-suite en 7 titres qui traverse l’année en musique et en émotions, de l’enthousiasme du printemps (“Avant de voir ses yeux“) à la mélancolie de l’hiver (“Elle est partie avec Robert“). Ce Gotainer orchestral et narratif montre une ambition qui dépasse le simple cadre de la chanson pop, flirtant avec la comédie musicale et le conte musical.

“Poil à la pub” (1985) : Gotainer, roi du jingle
Gotainer et la publicité, c’est une histoire d’amour aussi exubérante que prolifique. Dès les années 70, il écrit et interprète des jingles publicitaires devenus cultes (Banga, Danette, 2CV Citroën, Belle des Champs…). “Poil à la pub“, sorti en 1985 chez Virgin, compile pas moins de 85 de ces pépites sonores, certaines connues (on les fredonne encore), d’autres totalement inédites, car refusées par les annonceurs. Entre funk, reggae, blues, yéyé et rock’n’roll, Gotainer réinvente la réclame et lui donne un souffle artistique unique, souvent bien au-delà du simple spot publicitaire. Une œuvre ovni qui rappelle à quel point l’artiste a influencé la pop culture française de manière plus large que la simple chanson.

“D’amour et d’orage” (1992) : Gotainer plus grave ?
Après le film “Rendez-vous au tas de sable” dans lequel il joue et dont il signe la B.O., Gotainer ralentit un peu la cadence et livre un disque plus posé, où l’écriture se fait plus fine, parfois même nostalgique. Loin du ton burlesque habituel, “D’amour et d’orage” explore une facette plus mélancolique et introspective de son auteur. L’album s’ouvre sur “Treize Envies De Toi“, un titre au groove feutré qui marque une transition vers une approche plus sensuelle et poétique. “Caoutchouc” et “Le Dindon” rappellent que l’humour n’est jamais loin, tandis que “Bye Bye Clope“, en clôture, s’étire sur plus de six minutes dans une ambiance à la fois ironique et désabusée. “J’Crie Pas, J’Explique“, porté par un solo de guitare incisif de Claude Engel, est un des moments forts du disque, où Gotainer jongle entre parlando et chant avec son talent habituel.Si “D’amour et d’orage” n’a pas connu le succès massif de ses prédécesseurs, il prouve que Richard sait aussi toucher à d’autres registres sans perdre son ADN musical.

“La Goutte au Pépère” (2004) : l’esprit bricolo toujours là
Après plusieurs années d’absence discographique, Gotainer revient en 2004 avec “La Goutte au Pépère“, un album qui sent bon la France d’antan revisitée par un génie du burlesque. Entre musette, chanson réaliste et humour ravageur, il y joue le rôle d’un conteur à la fois tendre et ironique, observateur du quotidien avec son style inimitable. Moins débridé que ses albums des années 80, ce disque prouve néanmoins que Gotainer n’a rien perdu de son goût pour le langage et la musicalité unique qui ont fait sa réputation. L’année suivanten la compilation “La Planète des Singles” réunit plusieurs de ses classiques : “Primitif“, “Le Youki“, “Chipie“, “Maman Flash Papa Flippe“, “Le Sampa”, mais aussi des titres plus rares.

“Espèce de bonobo” (2011) : le grand singe est toujours là
Après une décennie plus discrète, Gotainer revient avec un album qui rappelle ses grandes heures, toujours aussi malicieux et rythmique. Les textes, plus acérés, envoient quelques uppercuts sous le rire et prouvent qu’il reste un outsider essentiel dans la chanson française.
Si Gotainer passe moins à la télé qu’avant, il reste une figure incontournable de la chanson hexagonale. Loin des modes, il a cultivé un style immédiatement reconnaissable, où la folie douce et le groove se marient avec une intelligence rare. Un trublion, un vrai, dont les chansons continuent de résonner dans nos têtes bien après leur première écoute.

Richard Gotainer se produira les 6, 13, 20 mars et 3 avril 2025 à Paris (réservations : L’Apollo Théâtre), puis en tournée 2025 : du 15 au 27 juillet à Avignon (Festival Off), les 2 et 3 octobre à Tours, le 12 octobre à Plougastel-Daoulas (29).