Sparks, une excentricité en perpétuelle mutation

Sparks, une excentricité en perpétuelle mutation
Le 23 mai sortira “Mad!”, nouvel (et 28e !) album des frères Mael. L’occasion pour nous de jeter un coup d’oeil dans le rétro. Car depuis plus de cinquante ans, les Sparks de Ron et Russell Mael réinventent la pop avec une constance déconcertante.

D’abord glam, puis disco, synth-pop, art-rock, opéra-rock et même cinématographique, leur trajectoire est un défi permanent aux modes et aux conventions. Toujours en avance sur leur époque, les frères Mael, duo inséparable et insaisissable, ont influencé tout le monde, de Queen à Depeche Mode, de Pet Shop Boys à Franz Ferdinand. Retour sur cinq de leurs albums essentiels.

“Kimono My House” (1974) : le triomphe baroque du glam

Après deux disques confidentiels sous le nom de Halfnelson, les Sparks explosent avec “Kimono My House“, chef-d’œuvre baroque du glam-rock. Produit en Angleterre, porté par la voix haut perchée de Russell et les claviers sautillants de Ron, l’album aligne des classiques instantanés comme “This Town Ain’t Big Enough for Both of Us” et “Amateur Hour“. Entre Queen et Roxy Music, le duo impose son univers à la fois absurde et théâtral.


“No. 1 in Heaven” (1979) : virage disco et avant-garde électro

Alors que le punk balaye tout, Sparks surprend en collaborant avec Giorgio Moroder sur “No. 1 in Heaven“, un disque de proto-synth-pop audacieux. Fini les guitares, place aux machines et aux rythmiques robotiques de “The Number One Song in Heaven” et “Beat the Clock“. Un disque visionnaire qui préfigure la synth-pop des années 80 et inspire Depeche Mode, Soft Cell ou New Order.


“Angst in My Pants” (1982) : la synth-pop des années MTV

Après plusieurs albums marqués par leur obsession électronique, Sparks affine son mélange de synthés et de rock sur “Angst in My Pants“. “I Predict” et “Eaten by the Monster of Love” séduisent MTV et la scène new-wave américaine. Ironiques et surréalistes, Ron et Russell signent un album qui anticipe le son de The Cars et de Talking Heads, avec une élégance propre à eux.


“Gratuitous Sax & Senseless Violins” (1994) : la renaissance électro-pop

Après une collab avec les Rita et passage plus discret, Sparks revient en force en 1994 avec “Gratuitous Sax & Senseless Violins“, un disque d’une modernité étonnante. “When Do I Get to Sing My Way” devient un tube européen, confirmant leur statut de parrain de la pop électronique. L’album démontre leur capacité à se réinventer à chaque décennie et marque le début d’une longue période de reconnaissance critique.


“Hippopotamus” (2017) : l’éternelle jeunesse des Sparks

À l’âge où d’autres vivent sur leurs lauriers, Sparks continue d’expérimenter. “Hippopotamus” est un album pop baroque, foisonnant d’idées loufoques et de mélodies imparables (“Edith Piaf (Said It Better Than Me)“, “Missionary Position“). À plus de 70 ans, les frères Mael prouvent qu’ils restent parmi les plus créatifs de la scène pop.


Les Sparks ne sont jamais devenus des superstars, mais leur influence est immense. De la scène glam à l’electro-pop, du rock alternatif au cinéma (“Annette” de Léos Carax en 2021), Ron et Russell Mael n’ont jamais cessé de bousculer les codes. Dans un monde où tout semble hélas de plus en plus formaté, Sparks demeure un bastion de singularité et d’audace, autant dire une énigme musicale fascinante.

The Sparks en concert le 30 juin 2025 à Paris (Salle Pleyel)

Jean-Marc Grosdemouge