Kim Gordon “The Collective”

Kim Gordon “The Collective”

À 70 ans, Kim Gordon ne regarde pas en arrière. Plutôt que de s’installer dans le confort d’un héritage rock, elle façonne le bruit du futur avec “The Collective“, un album où trap déconstruite, spoken-word spectral et beats industriels s’entrechoquent. Loin des guitares noisy de Sonic Youth, elle explore un territoire abrasif, radical, où chaque son semble taillé au scalpel.

Les fans de Sonic Youth qui attendaient d’elle qu’elle refasse ce qu’elle faisait dans les années 90 en seront pour leurs frais. Kim Gordon a complètement pris un virage radical avec “The Collective“. On est loin des guitares noisy et des déflagrations post-punk : ici, elle navigue entre trap déstructurée, beats industriels et spoken-word glacé. L’album est rempli de textures abrasives, mais avec une approche presque hip-hop dans la construction des morceaux, notamment grâce à Justin Raisen, qui l’avait déjà accompagnée sur “No Home Record“.

Ce qui frappe d’emblée, c’est la radicalité du son. Plus encore que sur son premier album solo, Gordon déconstruit tout ce qui pourrait ressembler à une chanson au sens classique du terme. Certains titres comme “Bye Bye” ou “I Don’t Miss My Mind” ont une tension brute, avec ces basses lourdes et ces rythmiques disloquées qui évoquent autant le post-punk électronique que le minimalisme industriel de “Yeezus“. Comme Kanye West sur cet album, Gordon et Raisen travaillent la musique comme une matière brute, jouant sur les silences, les textures saturées et les ruptures abruptes, refusant toute forme de confort d’écoute. La voix de Gordon, souvent murmurée ou scandée, devient un élément rythmique à part entière, glissant entre les sons comme un spectre mécanique.

Mais ce qui impressionne le plus, c’est cette énergie qui ne faiblit pas. Kim Gordon aurait pu capitaliser sur son héritage rock, revenir à des formats plus sages, mais elle choisit au contraire d’explorer toujours plus loin. “The Collective” ne reflète en rien l’âge de son autrice – ou plutôt, il prouve que l’audace et la modernité n’ont rien à voir avec la jeunesse. Elle ne joue pas avec la nostalgie, elle avance, cherche, expérimente. Voici un album pas confortable, mais c’est précisément ce qui le rend passionnant.

★★★★☆

Kim Gordon “The Collective” (2024)

BYE BYE / The Candy House / I Don’t Miss My Mind / It’s Dark Inside / Psychedelic Orgasm / I Am a Symphony / Tree House / The Believers / ECRP / I Forgive You / Dream Dollar

Alain Cattet