The Yardbirds “Having a rave up”
Déflagration sonore qui, en 1965, a propulsé le blues rock britannique dans une nouvelle ère, “Having a rave up” capture l’énergie brute et l’innovation effervescente d’un groupe en pleine mutation, oscillant entre les talents d’Eric Clapton et de Jeff Beck. Normal puisque terme “rave up” désigne une montée en puissance musicale, où le tempo s’accélère et l’improvisation atteint son paroxysme.
Entre 1965 et 1968, les Yardbirds traversent une véritable métamorphose. Leur son, d’abord ancré dans un blues brut, évolue vers des expérimentations psychédéliques, des structures pop et des éclats hard rock. Clapton, Beck, Page : trois guitaristes, trois âmes différentes, qui poussent le groupe dans des directions radicalement opposées, et pourtant complémentaires. Ce n’est plus seulement un groupe, mais un creuset où s’élabore une nouvelle grammaire sonore. Entre départs, arrivées, et une soif insatiable de nouveauté, les Yardbirds deviennent un symbole du rock en perpétuel mouvement.
Retour en arrière. 1963, à l’aube d’un Londres en pleine ébullition musicale, une poignée de gars décide de monter un groupe. Rien d’original, à ceci près qu’ils ne sont pas là pour faire du bruit anodin, non. Ces types, encore anonymes, sont déjà animés d’une faim féroce : celle de réinventer le blues, de lui tailler un costard électrique qui ferait vibrer jusqu’aux murs suintants des clubs de Soho. Ce groupe, c’est les Yardbirds.
Imaginez un peu. La scène anglaise, alors noyée sous les reprises d’Elvis et les ersatz de rockabilly, voit débouler une bande prête à tout déchirer. Pas encore des légendes, mais déjà des noms qui sentent le souffre : Eric Clapton, Jeff Beck, Jimmy Page. Trois types qui vont redessiner la carte du rock à coups de riffs et de solos incandescents. Clapton, le premier, apporte un son brut, presque sauvage. Mais très vite, il trouve le groupe trop “commercial” et file chercher refuge dans un blues plus pur. Pas grave : Beck prend le relais et, avec lui, c’est un autre délire. Fuzz, feedback, distorsions à gogo – le gars Beck ne joue pas, il invente.
Les Yardbirds, c’est un peu comme une boutique d’alchimistes où chaque nouveau venu balance sa formule secrète dans le chaudron. Avec Beck, le groupe accouche de morceaux comme “Heart Full of Soul”, qui fait l’effet d’une grenade dégoupillée dans les charts. Puis arrive Jimmy Page, et là, on passe au niveau supérieur. Le gamin est déjà une légende des studios quand il rejoint la bande. Il joue d’abord la basse, puis, rapidement, la guitare lead. Et c’est parti pour un tourbillon sonore qui va faire tourner les têtes et faire sauter les tympans.
Ce qui rend les Yardbirds inimitables c’est leur capacité à fusionner l’essence du blues avec une énergie presque punk avant l’heure. Des chansons comme “For Your Love” ou “Shapes of Things” préfigurent la déferlante psychédélique, tout en restant ancrées dans une intensité brute. Les mecs osent tout : solos en duel, expérimentations sonores, et même un album live “Five Live Yardbirds“) qui capture leur frénésie scénique comme un éclair en bouteille.
Mais voilà, les étoiles qui brillent trop vite finissent souvent par se consumer. En 1968, après une série de tensions internes et un succès commercial en dents de scie, les Yardbirds explosent en plein vol. Pas de drame, juste un clap de fin qui laisse la place à d’autres légendes. Page, on le sait, repartira avec les cendres pour fonder un petit groupe appelé Led Zeppelin. Jeff Beck, lui, construira une carrière solo où il continuera de tordre les cordes comme personne. Et Clapton ? Eh bien, Clapton, dit “God”, dit aussi ‘Slow Hand”, il tricotera le blues jusqu’à la fin des temps, même en 1992 devant les caméras de MTV, en version débranchée.
Aujourd’hui, les Yardbirds, c’est plus qu’un groupe : c’est une école, un passage obligé, une sorte de laboratoire où le rock des années 60 a préparé son grand bond en avant. Alors, la prochaine fois que vous entendez “Heart Full of Soul” ou “Over Under Sideways Down”, fermez les yeux, et laissez-vous embarquer. Ce n’est pas juste de la musique, c’est une révolution sous forme de décibels.
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